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Grave Robbers’ Chronicles Tome 3 Chapitre 26

Des têtes de fantômes

Chapitre 26 – Des têtes de fantômes

Wu Laosi mit des gants, ramassa l’une des têtes et enleva la boue qui s’y trouvait. La tête était très vieille. Je pouvais voir sa peau ratatinée et ses orbites vides.

L’un des membres de l’équipe compara le diamètre de la tête à celui de l’ouverture du conteneur. Le crâne était grand par rapport à l’ouverture. Apparemment, les têtes humaines n’avaient pas été entassées dans les récipients en poterie.

― C’était l’une des pratiques étranges du peuple de la Reine de l’Ouest. Il devait s’agir d’esclaves d’autres tribus de la région occidentale. Leurs têtes ont probablement été placées dans les récipients en poterie lorsqu’ils étaient enfants, à l’âge de deux ou trois ans. Ils grandissaient jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de nourriture dans les récipients et que leur tête ne puisse plus être enlevée. Ils étaient alors décapités, les conteneurs étaient scellés et les têtes remises à la Reine de l’Ouest. Son peuple croyait que les âmes des esclaves, ainsi que leurs têtes, étaient présentées dans les récipients en guise d’offrande, expliqua l’homme.

― Bon sang de bonsoir ! C’est diabolique ou quoi ? La Reine de l’Ouest n’était pas si hideuse quand elle est apparue dans le roman Voyage à l’Ouest. Dans le livre, elle était gentille et aimante, interrompit l’un des membres de l’équipe.

― La Reine de l’Ouest est devenue une légende presque maternelle au fil des siècles, mais dans les histoires anciennes, elle était comme un démon, cruelle et inhumaine. À l’époque, les souverains ne pouvaient pas se permettre d’être gentils. Tous ceux qui détenaient le pouvoir s’appuyaient sur de rudes rituels et prétendaient avoir des pouvoirs surnaturels pour gouverner leurs territoires, expliqua Wu Laosi, Et après tout, comparé aux esclaves qui peinaient jour après jour et mouraient avant d’avoir atteint l’âge de trente ans, il semblait probablement enviable d’être bien nourri et oisif pendant quinze ans, puis de mourir rapidement et sans douleur.

Wu Laosi commença à laver le crâne avec une solution pour le préserver et dit aux autres de se remettre au travail :

― Dès que les jeeps seront réparées, nous nous mettrons en route, dit-il. Il fut interrompu par le rire méprisant que je croyais avoir imaginé quelques heures plus tôt.

Nous nous arrêtâmes tous net, nous regardant les uns les autres, puis fixant la direction d’où venait le son. Son origine semblait être la pile de têtes humaines :

― Regardez, cria quelqu’un, cette tête bouge !

Il avait raison. L’une des têtes tremblait et s’ouvrait comme un œuf où naîtrait un petit poussin. Elle venait de se briser en deux et deux créatures rouges en sortirent, chacune de la taille d’un ongle. Je reconnaissais cela, il s’agissait des insectes mangeurs de cadavres. D’abord, il n’y en avait que deux, puis de plus en plus, jusqu’à ce que le sol en soit couvert.

― Reculez, criai-je, ils vous tueront en un clin d’œil, c’est un poison mortel.

Il était trop tard. L’un des mangeurs de cadavres s’était envolé sur l’épaule d’un homme. Celui-ci tendit le bras, l’attrapa et poussa un cri d’agonie. De sa main, une éruption rouge coula le long de son bras et l’homme hurla en tombant au sol.

― Ne le touchez pas, criai-je, Si vous le faites, vous serez le prochain à mourir. Vous ne pouvez pas aider cet homme. Nous devons tuer ces insectes maintenant.

L’équipe commença à écraser les insectes sous leurs pieds, mais d’autres se mirent à ramper pour prendre leur place. Wu Laosi s’empara d’une boîte à outils et fracassa l’un des crânes. Il se brisa en morceaux et je vis accroché à l’intérieur quelque chose qui ressemblait à un nid d’abeilles rempli d’œufs gris. C’est ce que mon oncle avait trouvé dans le crâne lors de sa première visite au tombeau sous-marin. Avait-il découvert un lieu où les mangeurs de cadavres incubaient ? La Reine de l’Ouest utilisait-elle ces têtes humaines comme lieu de reproduction pour ces maudits insectes ? Étaient-ils son arme secrète ? Avec ces insectes, qui aurait besoin de bombes nucléaires ?

― Oh merde, les autres crânes sont en train de s’ouvrir, cria quelqu’un. Tout le monde se mit à courir dans une panique folle et des éclairs rouges traversaient les airs. Nous sommes morts, me dis-je. Un cri résonna à côté de moi, Wu Laosi était recroquevillé sur le sol, se tordant d’agonie.

Des points rouges couvraient le sol et des battements d’ailes emplissaient l’espace. Nous devions sortir aussi vite que possible. Même si nos véhicules ne fonctionnaient pas, ils pouvaient nous protéger d’une mort certaine. Deux hommes portaient Hans hors de la tente de l’hôpital, Tashi avait sa grand-mère sur son dos et j’allai chercher Ning. Elle se réveilla en criant et en se débattant. Je me débattis avec elle :

― Faites-moi confiance pour une fois”, criai-je alors que nous commençâmes à courir.

Nous rejoignîmes l’un des tas de pierres de Tashi à un carrefour et je m’arrêtai net. Seul Tashi savait ce que signifiaient ces marqueurs. Nous n’avions aucune idée du chemin à suivre. Derrière nous, il y avait des bruits d’ailes et bientôt un nuage rouge remplissait le ciel, venant dans notre direction. Il était temps de courir, peu importe où.

Mais le nuage nous suivait, obscurcissant le ciel et remplissant nos oreilles de son bourdonnement sauvage :

― Courir ne nous sauvera pas, cria Ning, Il faut vite trouver une cachette.

Un rocher géant de la taille d’un mur d’enceinte se dressait devant nous. Nous le contournâmes, cependant il s’agissait d’un demi-cercle, d’une impasse. Le nuage était juste au-dessus de nous et il était évident que les mangeurs de cadavres nous poursuivaient. Je cherchais désespérément une fissure dans la roche qui pourrait nous abriter quand j’entendis Ning crier :

― Par ici !

Elle avait trouvé une petite échancrure dans la roche, juste assez grande pour que nous puissions nous y blottir. C’était notre seul espoir de survie. J’espérais simplement que la chance serait au rendez-vous. J’enlevai ma chemise et la tint devant nous comme un bouclier, même si ce n’était pas une très bonne protection. À travers le tissu, je pouvais voir une énorme masse d’insectes descendre en bourdonnant et exploser dans l’air. Ils frappaient les parois du rocher qui les abritait et leurs ailes grinçantes résonnaient comme des volées de balles tout autour de nous.

J’eus l’impression d’étouffer et, instinctivement, mon corps se replia au maximum dans notre petit refuge. Je fermai les yeux et attendis la mort. Il n’y avait aucun moyen de sortir de ce piège. J’avais la tête complètement vide, sans pensées, sans peur.

Et puis l’impossible se produisit. Le bruit des insectes frappant la roche stoppa, le grincement de leurs ailes s’estompa. Le silence s’installa. Ning et moi restâmes assis, incrédules, alors que nous levions lentement la tête. Les mangeurs de cadavres avaient disparu.

― Peut-être qu’ils ne nous poursuivaient pas après tout, chuchota Ning, et qu’ils s’envolaient dans la même direction que nous. Mais ils pourraient revenir. Nous ne sommes pas encore en sécurité.

J’acquiesçai et nous restâmes immobiles quelques minutes de plus avant de nous lever et de recommencer à bouger. Je cherchai ma bouteille d’eau, je n’en avais pas. Dans la panique de notre fuite pour échapper à la mort, je n’avais emporté ni eau, ni manteau, rien pour survivre. Je regardai Ning, elle était encore plus mal en point. Elle ne portait pas de chemise, seulement un débardeur.

― Qu’est-ce que c’est que ces insectes ? Que pouvez-vous m’en dire ? me demanda Ning.

― Comment puis-je vous l’expliquer ? Ce n’est que la deuxième fois que je les vois, après les avoir rencontrés dans la caverne des zombies sanglants. Là-bas, nous en avons trouvé un qui était rouge comme eux et qui a failli tous nous tuer. Aujourd’hui, nous avons affronté un ciel qui en été remplis. Je pense que la Reine de l’Ouest les a élevés comme arme biologique dans des vaisseaux crâniens. Pas étonnant qu’elle ait gouverné un empire aussi vaste pendant si longtemps. En attendant, ce qui m’inquiète vraiment, c’est que je suis persuadé que nous sommes désespérément perdus dans cette cité fantôme.

Nous ne parvenions même pas à voir le désert de Gobi d’où nous nous trouvions, et les « rues » de cette cité étaient d’immenses étendues menant d’un rocher à l’autre. Si seulement nous pouvions trouver le désert et en suivre la limite jusqu’à l’endroit où nous avions laissé nos Land Rovers. Mais il fallait le faire avant la tombée de la nuit, alors qu’il était déjà midi.

Nous avançâmes pendant des heures, essayant de mémoriser les structures rocheuses que nous croisions afin de les reconnaître s’il nous arrivait de tourner en rond. Aucun de nous ne voulait admettre que nous étions perdus et qu’il n’y avait plus d’eau, alors nous nous taisions.

Dans notre malheur nous eûmes de la chance que des nuages cachaient le soleil brûlant, cependant la soif se faisait sentir. Nos lèvres étaient gonflées et nos gorges brûlaient. Au bout de la quatrième heure, j’étais persuadé que nous avions atteint la limite de la cité des fantômes du vent, mais lorsque nous regardions autour de nous, le décor était toujours le même : des rochers et encore des rochers. Pourtant, aucun d’entre eux ne m’était familier, nous ne tournions donc pas en rond, ce qui était rassurant. Nous accélérâmes le pas, nous léchant les lèvres pour avoir l’illusion de l’eau.

L’obscurité commençait à tomber et la température à se refroidir lorsque Ning appela :

― Stop. Nous ne pouvons pas aller plus loin et nous ne pourrons certainement pas sortir avant la nuit. Sans lampe de poche et avec un sol très rocailleux, il est impossible de faire du feu. Nous ne pouvons que profiter de la lumière du jour et chercher un endroit avant qu’il ne fasse complètement nuit. Même la lune n’apparaîtra pas ce soir, il fera nuit noire ici. Elle se coucha sur le sol et je la suivi.

Ce soir-là, nous empilâmes des pierres pour bâtir un abri où nous y passâmes la nuit. Ning et moi ne portions que de minces vêtements et nous nous accrochâmes l’un à l’autre pour nous réchauffer sans gêne. Une fois la nuit tombée, il n’y avait pas la moindre lumière et nous avions tous les deux peur de ce que nous ne pouvions pas voir. Nous entendîmes différents bruits venant de partout, certains semblant très proches. Il était impossible de nous endormir, alors nous passâmes la nuit à discuter, à nous demander pourquoi nous n’arrivions pas à trouver la sortie :

― Demain matin, dit Ning, nous devrions grimper sur l’un des rochers les plus élevés pour nous orienter.

Nous nous levâmes pour partir dès le point du jour, tous les deux dans un très mauvais état. Je ne m’étais jamais senti aussi fatigué. Je ne contrôlais plus mes muscles, ma vision était floue, ma soif était intolérable et je n’avais plus de salive dans la bouche.

J’avais l’impression que nous étions deux fourmis piégées dans un immense bac à sable, manipulées par une force invisible.

Les heures passèrent et midi arriva. Nous trouvâmes un grand rocher, montâmes sur son sommet et tentâmes de voir autre chose que des rochers sans fin. La seule découverte que nous fîmes est que nous étions loin de la fin de cette cité fantôme.

Ning et moi nous nous lançâmes des regards, pensant les mêmes questions silencieuses : Que se passe-t-il ? Pourquoi avons-nous l’impression d’être coincés au milieu de cette cité maudite, quelle que soit la distance que nous parcourons ? Y aurait-il une sorte de pouvoir qui nous empêche de sortir d’ici ?

Nous cherchâmes un endroit plus frais pour nous reposer. Il était inutile de parler. Nous savions tous les deux ce qui nous attendait. Nous ne pouvions pas trouver la sortie et nous n’avions ni eau ni nourriture. Au bout d’un certain temps, nous n’aurions même plus la force de marcher et nous finirions par mourir sur place.

Je commençai à me demander combien de temps nous pourrions vivre sans eau, dans un environnement frais, peut-être jusqu’à trois jours. Nous avions déjà passé un jour et une nuit et nos corps brûlaient tous les fluides naturels que nous possédions. Si nous vivions deux jours de plus, ce serait incroyable. Ning devait avoir les mêmes pensées, car son visage était fatigué et ses yeux tristes.

Notre choix était simple : nous devions continuer à marcher. Peut-être trouverions-nous la sortie ou peut-être mourrions-nous de déshydratation. Si nous restions ici et ne marchions pas, nous pourrions vivre encore deux jours. La mort était toujours au rendez-vous, quel que soit notre choix. Nous nous regardâmes et hochâmes la tête en nous levant.

Ning portait un bracelet fait de pièces de monnaie. Elle le démonta et dispersa les pièces sur les rochers en guise de signal :

― Si quelqu’un vient nous chercher, ces pièces le guideront jusqu’à nous. Au moins, ils trouveront nos dépouilles, dit-elle.

Nous marchâmes deux jours supplémentaires, comme des cadavres ambulants. Parfois, j’avais l’impression d’être déjà mort, de voler dans les airs. Devant moi Ning titubait, souffrant mais poursuivant son chemin.

Elle fut la première à tomber et je la vis s’évanouir, ensuite je trébuchai sur quelque chose et j’heurtai le sol. Je n’avais aucune idée de ce qui m’avait fait tomber. Tout ce que je distinguai, c’était le ciel, couvert de nuages sombres. Au moins, sans le soleil, mon corps mettra du temps à pourrir, me dis-je en essayant de rire. Je voulu me lever pour regarder le mouvement des nuages, seulement je n’avais plus de force. Mes paupières étaient de plus en plus lourdes.

Juste avant qu’elles ne se referment complètement, je vis le ciel s’illuminer comme un éclair. Puis tout paru silencieux et lointain, tandis que je sombrais lentement dans un abîme infini. Je savais que j’étais en train de mourir, mais je ne me sentais pas trop mal, du moins avant que quelque chose ne me frappe au visage, fort et encore plus fort. En reprenant conscience, je sentis comme de la fraîcheur, comme si on m’avait plongé dans une baignoire remplie d’eau glacée. Quelque chose de froid coula dans ma bouche et dans ma gorge. Je me léchai les lèvres et je goûtai de l’eau.

Je cru entendre des voix familières, mais le sommeil m’emportait et je m’évanouissais à nouveau.

Lorsque je me réveillai, j’avais l’impression d’avoir dormi longtemps. Mes sens revenaient lentement, j’entendais, et en ouvrant les yeux je vis un grand visage familier me sourire.

Qui est-ce ? Je fermai les yeux pour réfléchir un moment en cherchant dans mes souvenirs les visages de chauffeurs tibétains. Est-ce celui qui conduisait la Land Rover de tête ? Non. Est-ce alors celui qui conduisait le véhicule transportant notre réserve d’eau ? Non, pas lui non plus.

Je n’arrivais pas à savoir de qui il pouvait s’agir. Puis je réalisai soudain qu’il n’appartenait pas à l’équipe. C’est… hein ? Le Gros ? Les muscles de mon cerveau se contractèrent. Le Gros Wang ? Comment peut-il être ici ? C’est impossible. Il était retourné à Pékin. Ai-je des hallucinations?

J’ouvris les yeux et le même visage familier me fixait. Je les refermai et me dis que ce n’était pas normal. Ce ne peut pas être Gros-Lard. Et si je rêvais, je ne rêverais pas de lui.

Je serrais les dents et j’ouvris les yeux pour la troisième fois, ma conscience était désormais claire comme de l’eau de roche. Je regardai à nouveau et c’était bien le Gros. Il avait allumé une cigarette et parlait à quelqu’un derrière lui. Mon ouïe était encore floue et je ne comprenais pas ce qu’il disait. Ensuite, je vis le visage d’un autre homme, lui aussi très familier. Il s’agissait de Grande-Gueule.

Qu’est-ce qui se passe ? Je fronçai les sourcils. Ne suis-je pas allé dans le désert de Gobi après tout ? Suis-je toujours à Hangzhou ? Ai-je rêvé tout cela ?

Des souvenirs surgissaient dans mon esprit. Nous avions rencontré une tempête de sable. Les Land Rovers étaient tombées en panne. Des gens avaient disparu. L’épave encastrée dans le monticule… tout cela était bien réel. Il n’était pas possible que ce ne soit qu’un fantasme.

Je retrouvai alors l’ouïe et j’entendis Grande-Gueule demander :

― Jeune maître Wu, comment te sens-tu ?

J’essayai de m’asseoir et il vint m’aider. Je pris une grande inspiration et regardai autour de moi. Nous étions dans une grotte où un feu de camp brûlait à proximité. Il y avait des sacs de couchage et des piles de matériel qui traînaient. A l’extérieur il faisait nuit, c’était déjà le soir.

Qilin était assis au bord du feu et préparait quelque chose. Ning était allongée de l’autre côté dans un sac de couchage, toujours endormie.

― Qu’est-ce qui se passe ? demandai-je à Grande-Gueule en me massant les tempes, Pourquoi êtes-vous ici ? Est-ce que je rêve ? Est-ce que je suis mort ?

― Tu n’es pas mort, mais tu as failli, répondit le Gros, Si je n’avais pas eu une vue extraordinaire, on ne vous aurait pas repérés. Vous empestiez déjà la mort quand nous sommes arrivés.

Je vis Gros-Lard jouer avec des pièces qu’avait laissé Ning sur notre passage, mais je ne savais toujours pas comment tout cela s’était mis en place :

― Pourquoi êtes-vous ici ? demandai-je.

― Nous avons suivi votre équipe pendant tout ce temps, dit Grande-Gueule en désignant Qilin, Il est le seul à le savoir, mais après votre entrée dans le désert de Gobi, nous étions juste derrière vous. Ce jeune garçon avait laissé des signes pour nous guider à chaque endroit où vous campiez. Nous avons donc gardé nos distances en vous suivant à la trace.

― De quoi ? Des signes ? Derrière nous… Il… ?

― C’était le plan de Maître San, dis Grande-Gueule, Il a envoyé Qilin et son ami aux lunettes de soleil pour s’infiltrer dans l’équipe de Jude Kao et découvrir où ils allaient. Mais personne ne s’attendait à ce que tu sois impliqué. Si nous l’avions su plus tôt, Maître San t’aurait raconté tout cela lui-même.

Je me sentais encore confus et je mis du temps à comprendre ce que disait Grande-Gueule :

― Attendez une seconde… quoi ? Mon oncle San ? Tu veux dire que tout cela a été planifié par mon oncle ? Alors… vous les gars ?

― Nous nous sommes préparés très tôt à Golmud. Notre équipe a mis de l’ordre à Dunhuang pendant deux semaines. Lorsque votre équipe est partie, nous l’avons suivie. Cependant, quand ce type au visage impassible nous a informés que tu faisais partie de l’équipe, Maître San a été choqué. Jeune maître Wu, ton oncle ne t-a-t-il pas dit d’arrêter de marcher dans les eaux boueuses ? Pourquoi es-tu venu ?

Je pris une grande inspiration et me sentis très faible tout d’un coup. Merde, me dis-je, Je ne m’attendais vraiment pas à ce que cela arrive. Ce… ce garçon aux lunettes de soleil était si protecteur envers moi sur le chemin… il le faisait à cause de mon oncle San…

Grande-Gueule poursuivit :

― Maître San s’inquiétait de ta sécurité, alors le garçon aux lunettes a essayé de t’aider un peu. Jude Kao pensait avoir vaincu son adversaire et s’être débarrassé de Maître San, mais il ne se doutait pas que nous étions si bien préparés.

― Alors où est mon oncle San ? Je regardai autour de moi, mais je ne le vis pas.

― Maître San est un peu derrière nous. Nous nous sommes séparés en deux groupes pour être plus difficiles à suivre. Le Gros et moi avons pris la tête et vous avons suivis jusqu’ici. Puis nous avons laissé des indications de direction à Maître San le long du chemin. Mais nous ne nous attendions pas à ce que les choses tournent si mal.

Mon esprit était complètement clair à présent. Je me souvenais de la nuit où Qilin m’avait dit qu’il était de mon côté et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Il s’agissait du plan de mon oncle, tout simplement.

― Vous avez de la chance que nous vous ayons suivis tout du long. Autrement, vous seriez déjà desséchés, ajouta le Gros, Et tu veux faire ce métier avec un physique comme le tien ? Je pense que tu devrais vraiment retourner t’occuper de ton petit magasin.

― Pourquoi est-il ici ? demandai-je à Grande-Gueule.

― Quoi ? Tu ne m’aimes pas ? Gros-Lard s’emporta, C’est moi qui t’ai porté en lieu sûr.

Je lui souris, me sentant heureux pour la première fois depuis des semaines. Je pouvais à nouveau faire confiance à mon oncle. Il était de mon côté, je n’avais plus besoin d’être sans cesse sur le qui-vive. Et j’avais l’habitude de travailler avec ces types. Je les connaissais. Et la cerise sur le gâteau est que nous avions Qilin avec nous. Je pouvais me détendre désormais.

Ning était toujours immobile :

― Elle va bien ? demandai-je à Grande-Gueule.

― Ne t’inquiète pas. Cette petite fille est en meilleure forme que toi. Elle est déjà éveillée et a pris un repas. Maintenant, mange quelque chose et rendors toi. Tu t’es seulement évanouis à cause de la déshydratation et de l’épuisement, tu as de la chance de ne pas avoir pris de coups de soleil. Bois un peu de solution saline et tu dormiras mieux.

― C’est quoi cette grotte, Grande-Gueule ? Où sommes-nous ?

― Nous sommes toujours dans la Cité des Fantômes du Vent. C’est une grotte que Gros-Lard a trouvée. Qilin nous a envoyé un signal avec un miroir, puis nous t’avons tous cherché et le gamin aux lunettes est resté pour s’occuper du reste de l’équipe. Ce n’était pas facile de vous trouver dans cet endroit, mais les pièces de monnaie laissées sur vos traces ont fait l’affaire. Nous les avons suivies et nous vous avons trouvés tous les deux allongés dans le sable.

― Nous n’avons pas réussi à sortir de cet endroit maudit, mais nous n’avons pas tourné en rond. Je ne sais pas pourquoi nous n’avons pas pu nous en sortir seuls, C’est alors que je ressentis une poussée de peur, Nous sommes toujours à l’intérieur de la Cité ? Pourrions-nous encore être piégés ?

― Nous ne sommes pas aussi stupides que vous. Nous avons laissé des signaux le long du chemin, alors ne t’inquiète pas, dit Grande-Gueule.

― Les signes que j’ai laissés étaient des rochers de cette taille. On peut les voir à plus d’un kilomètre à la ronde. Et j’ai aussi compris pourquoi on a l’impression de ne pas pouvoir sortir d’ici, quelle que soit la durée de la marche, dis le Gros.

― Ah oui ?

― Ce n’est pas la Cité des Fantômes du Vent, c’est au moins à quatre-vingt-dix miles d’ici. Nous sommes dans la périphérie, où il y a une douzaine de villes plus petites, toutes reliées d’un bout à l’autre par des collines rocheuses, formant une immense chaîne. Vous étiez piégés dans cette chaîne, comment auriez-vous pu vous en sortir ? La route que vous avez empruntée a été délibérément conçue. Vous avez été guidés dans la direction créée par le concepteur de la Cité des Fantômes du Vent. Presque toutes les intersections se ressemblent, donc même si vous preniez une ‘mauvaise’ décision à une intersection, vous auriez encore de nombreuses occasions pour vous corriger. C’était une tactique très répandue dans les temps anciens.

― Tu veux dire que c’est un piège voulu ?

― C’est ça, dis le Gros, mais ce n’est pas trop compliqué pour quelqu’un d’aussi observateur que moi. Il a probablement été construit comme un rempart pour protéger la Reine de l’Ouest. Elle devait s’y connaître en feng shui pour l’avoir transformé en quelque chose d’aussi complexe.

En l’écoutant, mon esprit fit un bond :

― Grande-Gueule, tu as dit que ces villes extérieures formaient une chaîne ?

Il hocha la tête.

― Vous ne savez pas, dis-je, mais j’ai le journal de Wen-Jin dans mon sac. Elle a dit que la Reine de l’Ouest était protégée par des murs invisibles qui repoussaient les voyageurs. Il y a quelques milliers d’années, cet endroit était complètement submergé par l’eau qui entourait la cité comme un fossé et protégeait la Reine. C’est donc au milieu de cette chaîne que nous devrions trouver ce que nous cherchons.

Personne n’eut l’air impressionné, et le Gros bâilla longuement :

― Je me trompe ? dit-il.

Grande-Gueule sourit comme si j’étais un bébé qui venait de prononcer son premier mot :

― Jeune maître Wu. Nous pouvions déjà deviner ce que vous venez d’expliquer sans avoir à lire le journal de Wen-Jin. Cependant, si les choses étaient aussi simples, l’ancienne cité de la Reine de l’Ouest aurait été découverte depuis longtemps et elle servirait d’attraction touristique. De nombreuses études géologiques ont été menées ici au fil du temps. Non, la Cité des Fantômes du vent est probablement enfouie dans le sable. Nous n’allons pas y entrer comme ça.

― Alors, quel est le plan ? demandai-je, en essayant de cacher mon mécontentement.

― Nous avions initialement l’intention de suivre l’équipe de Ning jusqu’au col où Dingzhu-Zhuoma a quitté Wen-Jin. Ensuite, nous devions attendre le retour de Maître San pour nous diriger vers l’ouest jusqu’à la Cité.

― Mais l’ancien cours de la rivière ne se distingue plus du sable du désert, protestai-je.

― Il n’y a pas lieu de s’en inquiéter, dit le Gros en désignant l’obscurité à l’extérieur de notre caverne.

Je n’avais aucune idée de ce qu’il voulait dire, alors je  marchai jusqu’à l’entrée de la grotte. Lorsque je l’atteignis, un vent froid et humide souffla vers moi et j’entendis un son familier. Je sortis alors sous une pluie battante.

― Ce n’est pas la saison des pluies, ai-je dit en sortant, Qu’est-ce qui se passe avec cette maudite tempête ?

― Jeune maître Wu, dis Grande-Gueule, cette pluie t’a sauvé la vie et quand elle sera terminée, elle aura rempli le lit de la rivière et nous conduira sur notre chemin. C’est peut-être un petit cadeau de la Reine de l’Ouest – sois-en reconnaissant.

Nous nous reposâmes pendant deux jours dans la grotte, le temps que Ning et moi reprenions des forces. Le troisième jour, nous nous mirent en route, marchant dans l’eau jusqu’aux chevilles, sous la pluie pendant encore deux jours avant de rejoindre les autres membres de l’équipe.

Grande-Gueule me suggéra d’attendre mon oncle ici et de reprendre des forces, mais j’insistai pour partir avec lui et les autres.

Nous roulâmes prudemment à travers les rochers, avec le Gros, Grande-Gueule, Qilin, Ning et moi dans le même véhicule. Le gamin aux lunettes de soleil resta derrière pour attendre mon oncle.

Le voyage fut lent et pénible. À la fin du deuxième jour, nous étions tous prêts à nous arrêter, mais le col de montagne nous échappait toujours.

Grande-Gueule éclata en un flot de jurons et appuya sur les freins. Devant nous s’étendait une falaise abrupte et, en contrebas, une immense cuvette tourbillonnante de brouillard, il devait y avoir de l’eau.

― C’est l’oasis de Wen-Jin, nous l’avons trouvée, murmurai-je.

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