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Alpha Trauma Chapitre 10

Chapitre 10

La période de modification des inscriptions aux cours était terminée. Ce mercredi midi, Wooyeon se rendit à la salle du club et posa son téléphone devant les trois personnes présentes : Dohyun, Garam et Seongyu. Six paires d’yeux se fixèrent sur l’emploi du temps affiché à l’écran.

« Waouh…  »

« Impressionnant. »

Des exclamations admiratives fusèrent. Dohyun, un sourire impassible aux lèvres, releva légèrement le coin de sa bouche. Seongyu, qui alternait son regard entre le téléphone et Dohyun, s’exclama avec émerveillement :

« Hyung, c’est quoi ton secret ? De la magie ? »

C’était vraiment comme si de la magie avait opéré. L’emploi du temps, désormais structuré sur quatre jours, du mardi au vendredi, était méconnaissable par rapport à sa version initiale. Chaque journée comportait une pause déjeuner et, à l’exception du vendredi, aucun cours ne commençait à 9 heures. Un contraste frappant avec l’ancien planning, qui enchaînait les matinées chargées, les pauses interminables et les journées sans réel temps de repos.

« C’est le prix à payer pour une vie étudiante bien organisée. »

Dohyun s’adossa au canapé avec une aisance nonchalante, comme si tout cela n’avait rien d’exceptionnel. Son sourire confiant n’avait rien d’irritant, au contraire. Wooyeon vérifia une nouvelle fois son emploi du temps et repensa à ce qui s’était passé deux jours plus tôt.

Ce jour-là, comme convenu, il avait retrouvé Dohyun à la salle du club. Après une rapide discussion, ils étaient partis voir les professeurs. En réalité, il n’y avait pas vraiment eu de discussion stratégique. Dohyun s’était contenté de lui poser quelques questions : combien de crédits il comptait prendre, quels jours de repos il préférait, s’il pouvait gérer des cours le matin. Puis, il s’était levé d’un coup.

« C’est un nouveau membre de notre club, et il est vraiment motivé pour suivre votre cours. »

D’une voix douce et persuasive, il avait su amadouer les professeurs. Il affichait un sourire poli tout en formulant ses demandes et, parfois, partageait même une cigarette avec eux. Les enseignants, déjà à moitié désarmés par sa simple présence, acceptaient d’ouvrir une place dans leurs cours après seulement quelques phrases de sa part.

« Pour certains, j’ai directement demandé aux professeurs, pour d’autres, j’ai juste saisi les bonnes opportunités. Yoonwoo hyung a aussi donné un coup de main. »

Bien sûr, tout n’avait pas été aussi simple. Certains professeurs avaient esquivé les requêtes avec des excuses vagues, tandis que d’autres détournaient habilement la conversation vers leurs propres sujets de recherche. Mais Dohyun n’insistait jamais trop : dès qu’il sentait une résistance trop forte, il abandonnait immédiatement toute tentative de persuasion.

« Les professeurs sont étonnamment simples : si tu montres de l’enthousiasme, ils acceptent. Mais maintenant, si tu sèches les cours, attends-toi à des notes désastreuses. »

Grâce aux talents de négociateur de Dohyun et au soutien de l’assistant, Wooyeon avait enfin obtenu un emploi du temps normal. Enfin, à une exception près : le cours du vendredi matin, qu’il partageait avec Dohyun.

« Je t’aiderai pour celui-là, alors laisse-le. »

Compréhension de la phonologie anglaise. Un cours de spécialité de 3 crédits. Le professeur, passionné, avait déjà prévu une introduction dense dès le premier jour. Si Wooyeon le supprimait, il devrait compenser les crédits manquants le semestre suivant.

« Beaucoup d’étudiants abandonnent ce cours parce qu’il est difficile. Mais si tu fais le minimum, tu auras de bonnes notes. »

Wooyeon avait accepté de garder ce cours, se fiant à ces mots. Après tout, il n’avait pas vraiment d’autre choix. Ce n’était absolument pas parce que c’était le seul cours qu’il partageait avec Dohyun.

« T’es vraiment un génie…  »

Garam, assise un peu à l’écart, murmura d’une voix stupéfaite. Depuis que Wooyeon était entré dans la salle du club, elle avait soigneusement maintenu ses distances. Le fait qu’elle bloquait même ses phéromones montrait clairement qu’elle était consciente de ce qui s’était passé la dernière fois. Pour Wooyeon, c’était une bonne chose.

« Vraiment, merci. »

Wooyeon vérifia une nouvelle fois son emploi du temps avant de ranger son téléphone. Sans Dohyun, il aurait probablement été en train de chercher sérieusement « abandonner la première année d’université au premier semestre ». Bien sûr, il n’aurait pas vraiment abandonné, mais il aurait fini par aller en cours à contrecœur.

« Je suis content d’avoir pu t’aider. »

Alors que d’autres auraient été fiers d’un tel exploit, Dohyun ne s’était jamais montré arrogant. C’était tellement typique de lui, et Wooyeon réprima discrètement un sentiment de joie qui montait en lui.

« Hyung, tu m’aideras aussi si je rate mes inscriptions la prochaine fois ? »

« Hum… J’ai tellement entendu dire que je devrais aller en master cette fois que je pense que deux fois, c’est un peu trop. »

« Hé, les profs t’aiment tellement, fais comme si t’étais fou et vas-y une fois. »

« Quoi ? »

« Désolé. »

Ils échangèrent des bavardages sans importance pendant un moment. Wooyeon fut un peu surpris d’apprendre que Seongyu avait rejoint le club depuis un certain temps. C’était donc pour ça qu’il appelait Dohyun hyung lors des soirées. Ils se connaissaient déjà, apparemment.

« Les autres vont être contents d’apprendre que t’as des cours avec Wooyeon. »

« Pourquoi moi ? »

Par chance, la plupart de leurs emplois du temps coïncidaient. En réalité, la plupart des cours de première année étaient similaires, donc c’était étrange que Wooyeon ait suivi des cours différents jusqu’à présent. Seongyu, comme si c’était évident, désigna Wooyeon du menton.

« Parce que t’es un peu mystérieux. »

« … Moi ? »

Ces mots lui firent naturellement froncer les sourcils. Mystérieux ? Qu’est-ce que c’était que cette absurdité ? S’ils trouvaient que rater son inscription était mystérieux, alors il n’avait rien à dire.

« T’as suivi des cours différents tout seul, et pendant l’assemblée générale, t’étais seul dans un coin. En plus, t’es pas dans le groupe chat, donc les autres n’ont pas eu l’occasion de devenir potes avec toi. »

« …  »

Pour les cours, inutile d’en parler, et pour l’assemblée générale, c’était juste parce qu’il n’avait pas d’amis. Bien sûr, ce n’étaient pas ces deux choses qui avaient déstabilisé Wooyeon.

« … Tu savais pas ? »

Seongyu le regarda avec des yeux incrédules. Le silence qui s’ensuivit fut étrangement long. Il sortit discrètement son téléphone et demanda prudemment :

« Tu savais pas qu’il y avait un groupe chat ? »

Wooyeon détourna le regard sans répondre, et Seongyu fit défiler la liste de ses conversations. Puis il trouva le groupe chat de la section d’anglais et l’invita immédiatement.

« C’est pour ça que t’es pas venu à la soirée d’intégration…  »

C’était une réalisation plutôt amère. Wooyeon, se sentant un peu triste, parcourut la liste des participants. Certains noms familiers semblaient être ceux avec qui il avait échangé des numéros lors des soirées.

« Alors, comment t’as su pour l’assemblée générale ? »

« Garam sunbae me l’a dit. »

« Ah…  »

Un silence gênant s’installa. Garam et Dohyun, eux aussi, restèrent silencieux, observant la situation du coin de l’œil. Si cela s’était arrêté là, ça aurait encore été supportable. Mais les mots qui suivirent, prononcés par Dohyun, plongèrent Wooyeon dans une profonde tristesse.

« Alors, tu ne savais pas non plus pour le voyage de fin d’année ? »

« …  »

Même au collège, lorsqu’il avait été mis à l’écart, ce n’était pas aussi cruel. À l’époque, au moins, il y avait des circulaires scolaires. Se pouvait-il qu’il ait été exclu sans même s’en apercevoir ? Wooyeon baissa les yeux, et Garam, n’y tenant plus, frappa violemment la table.

« Hé, hé ! Dis à l’association étudiante de faire son boulot. Comment ils peuvent oublier quelqu’un comme ça ? T’es censé devenir président de la section, et tu t’occupes même pas de ça ? »

« Ah, je pensais qu’il était venu et reparti parce qu’il n’aimait pas les groupes…  »

Seongyu, l’air embarrassé, se gratta l’arrière de la tête. Il n’avait même pas imaginé que Wooyeon ne savait pas. Son expression, mélange de culpabilité, de confusion et d’incrédulité, se déforma étrangement.

« … C’est bon. Maintenant que je suis là, c’est ce qui compte. »

Wooyeon fit de son mieux pour répondre comme si de rien n’était. Si des excuses avaient suivi, cela aurait été encore plus accablant. Heureusement, quelqu’un frappa à la porte du club au bon moment. Toc, toc. Au bruit des coups, Seongyu se leva d’un bond comme un ressort.

« Je vais ouvrir ! »

Le visiteur était en réalité les tteokbokis* commandés vingt minutes plus tôt. La raison pour laquelle ils s’étaient tous réunis dans la salle du club était justement pour manger ces tteokbokis. Une délicieuse odeur remplit la pièce, remplaçant l’atmosphère lourde et gênante.

(N/T : Le tteokbokki est un plat coréen à base de gâteaux de riz tteok, cuits dans une sauce épicée au gochujang, souvent accompagné d’œufs durs et de poissons surimi. C’est un snack populaire dans les rues de Corée.)

« Ici, c’est vraiment bon, pas trop épicé, et la livraison est rapide. »

La table fut rapidement mise. Pendant que Garam sortait les radis marinés et les tteokbokis, Dohyun prit des gobelets en papier dans l’armoire. Il semblait que ce même placard contenait auparavant les formulaires d’inscription, mais maintenant, il était rempli de toutes sortes d’objets divers.

« Mmm, ça a l’air délicieux. »

« Vous voulez boire quoi ? »

« Hyung, pour moi un coca ! »

« De l’eau, ça ira pour moi. »

Wooyeon défit les baguettes en bois et observa les tteokbokis. Garam avait déjà rempli son gobelet à ras bord. Seongyu, lui aussi, avait déjà une bouchée de riz gluant dans la bouche, mais Wooyeon restait là, clignant des yeux sans rien faire.

« Qu’est-ce qui se passe ? »

Dohyun, qui était en train de servir de l’eau, posa la question avec douceur. À ce ton apaisant, Wooyeon, comme ensorcelé, laissa échapper la pensée qui lui traversait l’esprit.

« Je n’en ai jamais mangé. »

Avant de partir aux États-Unis, il n’avait jamais goûté à la nourriture de rue*. Les repas étaient toujours préparés par des domestiques, et au collège, il emportait des boîtes-repas. Bien que son palais se soit adapté pendant son séjour à l’étranger, il ressentait toujours une certaine réticence envers la nourriture de rue.

(N/T : La cuisine de rue (parfois désignée par le terme anglais de « street food ») )

Wooyeon savait que ce n’était pas une situation courante. Au collège, l’une des raisons pour lesquelles il avait été mis à l’écart était l’énorme écart entre son milieu familial et celui des autres. Quand il avait dit à Dohyun qu’il « ne mangeait pas de trucs bon marché », c’était en réalité une boutade maladroite, proche de l’erreur.

« … Quoi ? »

Garam, les baguettes entre les dents, ouvrit grand les yeux. Ses traits habituellement sévères semblaient presque ronds. Seongyu, qui était en train de se servir du poisson et des saucisses, réagit de la même manière.

« C’est la première fois que tu manges des tteokbokis ? »

Leur réaction ressemblait à celle qu’ils avaient eue en découvrant que Wooyeon ne connaissait pas les groupes de discussion en ligne. Non, ils paraissaient encore plus choqués. Wooyeon réalisa alors qu’il avait fait une gaffe et agita vivement les mains.

« Non, non ! C’est juste que ça fait très longtemps. Les tteokbokis ne se vendent pas beaucoup aux États-Unis, vous savez. »

C’était une excuse assez convaincante, même si elle était improvisée. Garam et Seongyu hochèrent la tête, semblant accepter cette explication.

« Ah, Wooyeon est allé aux États-Unis ? Il doit être bon en anglais. »

« Toi qui es en section anglaise…  »

« Seongyu, il y a deux types de personnes en section anglaise : ceux qui sont bons en anglais dès le début, et ceux qui ne le seront jamais, même à la fin. Pour info, je fais partie de la deuxième catégorie. »

Cependant, seul Dohyun continua à fixer Wooyeon avec un regard perçant.

« Et toi, sunbae, tu ne manges pas ? »

« Bien sûr que si. »

Dohyun, qui l’observait attentivement, éclata de rire. On pouvait voir l’intérêt briller dans ses yeux. Il prit un gobelet vide, y mit des saucisses et du fromage, puis le tendit à Wooyeon.

« Goûte un peu. »

Wooyeon cligna des yeux, surpris. Il serra les lèvres pour cacher son embarras, mais la voix douce de Dohyun s’éleva à nouveau.

« Tu as dit que tu ne supportais pas le piquant. Goûte pour voir si c’est épicé ou pas. »

Wooyeon ne se souvenait pas avoir dit qu’il ne supportait pas le piquant. En réalité, ce n’était pas le cas. Mais Dohyun, avec un air décontracté, hocha la tête comme pour l’encourager.

« … …  »

Wooyeon prit lentement le gobelet. Il ne savait même pas comment ce plat était préparé, et l’odeur lui était inconnue. C’était un peu bizarre, mais puisque c’était Dohyun qui lui offrait, ça devait aller. Alors qu’il hésitait à mettre une saucisse dans sa bouche, Dohyun demanda légèrement :

« Alors, c’est comment ? »

Wooyeon mâcha la saucisse en silence. C’était épicé et salé, une saveur qu’il n’avait jamais goûtée auparavant. Cela lui rappelait la première fois qu’il avait mangé du steak haché. Ses joues devinrent écarlates.

« C’est délicieux. »

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