Chapitre 11
« Regarde ! Ce n’est pas si épicé que ça, non ? »
Garam, pleine d’enthousiasme, poussa le tteokbokki vers Wooyeon. Elle affichait même un air fier, disant qu’elle lui en achèterait chaque fois qu’il le demanderait. Ce n’est qu’alors que Dohyun bougea ses baguettes et sourit gentiment.
« Allé profite. »
Le cours d’arts libéraux de l’après-midi n’était pas loin de la salle du club. Wooyeon envoya un message à Daniel à propos du tteokbokki qu’il avait mangé et s’installa dans l’amphithéâtre. Grâce à Garam, qui avait offert des boissons après le repas, ils avaient aussi pu boire une tasse de chocolat chaud ensemble.
« Tu vas participer au MT* ? »
(N/T : « MT (Membership Training) » – Terme utilisé pour désigner des activités de formation ou des séminaires destinés à renforcer les liens au sein d’un groupe, souvent dans le cadre d’une organisation, d’une équipe ou d’une fraternité. Bien que fréquemment associé aux universités et aux associations en Corée du Sud, le MT est aussi utilisé dans de nombreuses cultures pour favoriser la cohésion entre membres et les initier à la culture du groupe. Ces formations peuvent inclure des jeux, des exercices de groupe, ainsi que des discussions pour mieux connaître les valeurs de l’organisation. Dans certains contextes, l’MT peut aussi être une occasion de confrontation, voire de rituels d’initiation.)
C’était une question que Seongyu avait posée avant de quitter la salle du club. La date était fixée au week-end suivant, et Garam et Dohyun avaient également accepté d’y participer. Wooyeon hésita à l’idée de passer la nuit sur place, mais répondit qu’il irait lorsque son regard croisa celui de Dohyun. C’était une réaction qu’il ne comprenait pas lui-même, même en y repensant.
« Je vais faire l’appel maintenant. »
Le professeur, debout à l’estrade, parcourut la salle des yeux. Ce cours obligatoire d’arts libéraux était celui auquel Dohyun s’était inscrit dès que des places s’étaient libérées, prenant soin de noter l’information sur son ordinateur portable. Le professeur était bienveillant, et la moyenne pour obtenir une bonne note était relativement basse en raison du grand nombre d’étudiants.
« Kang Junseong. »
Wooyeon, qui était plongé dans ses pensées, sursauta soudainement. Les trois syllabes qui résonnèrent à ses oreilles lui étaient étrangement familières. Par réflexe, il balaya la salle du regard, mais l’étudiant appelé « Kang Junseong » ne répondit pas.
« Kang Junseong ? »
Le professeur appela à nouveau. Toujours pas de réponse. Un instant perplexe, Wooyeon laissa échapper un léger soupir.
« Ah oui, il a été hospitalisé. »
Le professeur murmura cela tout en notant quelque chose sur la feuille d’appel. Wooyeon, écoutant les noms qui suivaient, serra sa tasse de chocolat chaud. Au contact du gobelet en carton tiède, son estomac noué sembla se détendre légèrement.
Ça ne peut pas être lui.
Il pouvait y avoir beaucoup de personnes qui avaient le même nom. Ce simple fait ne suffisait pas à lui faire croire qu’il s’agissait de la même personne. Pourtant, le malaise grandissant en lui était aussi indéniable que cette voix insidieuse qui lui murmurait « Cochon » à l’oreille.
« Seon Wooyeon. »
« …. »
« Seon Wooyeon ? »
« … Oui ! »
Wooyeon leva la main et répondit tout en laissant échapper un soupir discret. « Hé, le cochon. » Cette voix, qui l’appelait autrefois, semblait soudain résonner à nouveau dans ses oreilles.
Les jours passèrent rapidement. L’étudiant nommé Kang Junseong n’était pas venu à l’école pendant les deux semaines qui ont suivis. Selon les rumeurs, il avait eu un accident de voiture, et il était clair qu’il ne pourrait pas revenir avant au moins un mois. Entre l’anxiété de ne pas avoir pu confirmer son identité et le soulagement de ne pas avoir à le faire, Wooyeon ne savait plus où donner de la tête.
Et le jour du MT, Wooyeon prit un bus qui a été loué par l’école et arriva à destination. Les étudiants ayant des cours l’après-midi devaient arriver plus tard avec les sunbaes qui avait une voiture. Dohyun faisait partie de ce « fameux » groupe.
« Personne ne t’a invité dans le groupe de discussion ? Sérieusement, c’est trop. »
« Ouais, moi aussi j’ai cru que tu (Wooyeon) étais parti plus tôt parce que c’était trop bruyant. »
« Est-ce que Kwon Seongyu ne serait pas un peu surqualifié pour être proche de toi (Wooyeon) ? »
En attendant l’arrivée de Dohyun, Wooyeon se tint en retrait tout en utilisant Seongyu comme bouclier face aux hubaes*. Ils avaient vu Seongyu lors de la cérémonie d’ouverture, mais il était un peu ivre à ce moment-là, c’était donc la première fois qu’ils discutaient sobrement.
(N/T : Hubae — Le terme « 후배 » désigne une personne plus jeune ou moins expérimentée dans un contexte hiérarchique, que ce soit à l’école, au travail ou dans d’autres groupes sociaux. C’est l’opposé de « 선배 » (sunbae), qui signifie « senior » (quelqu’un de plus âgé ou plus expérimenté).)
Heureusement, parmi les camarades de la même année, il n’y avait qu’un seul Alpha, et les Omégas, y compris Wooyeon, n’étaient que deux.
« Hé, si ce n’était pas pour moi, vous n’auriez même pas pu saluer ce gars. Wooyeon ne savait même pas qu’il y avait un MT. »
« Vraiment ? »
« Les étudiants de première année, arrêtez de traîner et venez aider à porter les bagages. »
La porte s’ouvrit brusquement, et un étudiant réintégré passa la tête. Après une longue pause dans son parcours universitaire, il était désormais un sunbae avec au moins cinq années d’écart académique par rapport à Wooyeon. Il était de taille similaire à ce dernier, mais sa carrure imposante le rendait intimidant.
« Ah, Wooyeon, tu n’as pas besoin de sortir. »
Et c’était l’Alpha qui avait mis Wooyeon très mal à l’aise.
« Wow, pourquoi vous discriminez Wooyeon, sunbae ? »
« Vous êtes intéressé par Wooyeon ! »
« Vous êtes trop bruyants. Sortez vite, c’est un ordre ! »
Il y avait deux choses qui mettaient Wooyeon mal à l’aise. La première était la façon dont il diffusait ses phéromones avec insistance, et la seconde était et l’intérêt trop évident qu’il lui portait. Depuis quand agissait-il comme s’ils étaient si proches, en l’appelant par son prénom avec tant de familiarité ? Dès leur rencontre en descendant du bus, un malaise s’était installé en lui.
« Tu peux rester à l’intérieur, d’accord ? »
« Non, tout le monde travaille, donc je vais travailler aussi. »
« Quand même, on dirait que tu n’as pas assez de force. »
« Je suis fort. »
Wooyeon répondit sans beaucoup de courtoisie et passa devant les étudiants réintégrés. Le sunbae, qui n’avait pas pu retenir Wooyeon, chercha inutilement la dispute avec un autre nouvel étudiant. Agacé, Seongyu, qui avait habilement suivi Wooyeon, leur lança un regard noir.
« Pourquoi ce sunbae est-il comme ça ? Ça doit être tellement pesant. »
Seongyu informa Wooyeon que ce sunbae avait l’habitude de draguer les nouveaux à chaque session de beuverie. Il n’avait pas pu venir à la cérémonie d’ouverture pour une raison quelconque, mais il avait participé à contrecoeur à toutes les autres réunions. À l’origine, il visait d’autres nouveaux, mais comme sa cible avait trouvé un petit ami, il était en train de chercher une nouvelle proie.
« Il veut juste attraper quelqu’un, on dirait. »
« Pas étonnant qu’il répande ses phéromones partout. »
« Beurk, et en plus c’est un Alpha ? »
Seongyu frissonna et passa un bras autour des épaules de Wooyeon. Plutôt que de le repousser, ce dernier glissa les mains dans les poches de son manteau. Comme Seongyu n’était pas un Alpha, il n’en fut pas particulièrement gêné.
« Tu es un Oméga, non ? Fais attention, les phéromones peuvent aussi agir sur toi. »
« Ça va. Je suis dominant, ce sunbae ne peut rien me faire. »
« Quand même, fais gaffe ; il fait deux fois ta taille. Quel ours, un vrai ours. »
« J’ai vécu aux États-Unis… »
Wooyeon, qui s’apprêtait à poursuivre, s’interrompit brusquement. Au loin, Dohyun apparut dans son champ de vision, entouré de hubaes. Il discutait avec l’un d’eux, un sourire chaleureux aux lèvres.
« Pourquoi êtes-vous si en retard, sunbae ? »
« Vous savez combien de temps on vous a attendus ? »
« Vous m’avez attendu, ou vous avez attendu l’alcool ? »
Ses yeux gracieusement courbés respiraient la bienveillance. Les coins relevés de sa bouche lui donnaient un air doux et chaleureux. C’était son attitude habituelle, toujours gentille, mais, pour une raison inconnue, Wooyeon eut l’étrange impression qu’il jouait un rôle.
« Hyung ! Nous allons aussi vous aider à porter les bagages ! »
Le professeur que Wooyeon connaissait ne souriait pas comme ça. Son sourire était plus chaleureux, plus apaisant, comme un matin de printemps. L’expression qu’il affichait à cet instant, presque comme un masque, était totalement différente de celle dont Wooyeon se souvenait.
« Euh, Seongyu… »
D’un regard furtif, il observa Dohyun du coin de l’œil, comme par hasard. Ce dernier, impassible, posa un regard indéchiffrable sur eux deux, debout si près l’un de l’autre. Il laissa sa phrase en suspens, serra légèrement les lèvres, puis retrouva son sourire sophistiqué.
« Vous avez aussi attendu l’alcool ? »
« Eh bien, bien sûr, nous avons attendu Hyung ! »
Seongyu se précipita vers Dohyun, abandonnant Wooyeon derrière lui. Ce dernier resta immobile, les lèvres scellées. Dohyun, vêtu simplement d’une tenue de sport, paraissait plus accessible que d’ordinaire.
« Pourquoi y a-t-il tant d’alcool ? »
« Tu vas tout boire. »
« Je vais plutôt porter plainte. »
C’était pour ça que les plus jeunes l’appréciaient. D’ordinaire, son image mature le rendait difficile d’approche, mais à cet instant, il paraissait plus doux, comme s’il accepterait tout ce qu’on lui disait.
« Wooyeon. »
Dohyun l’appela de loin, lui adressant un signe de la main et un sourire chaleureux. À cet instant, un souvenir oublié refit surface dans l’esprit de Wooyeon.
« Qu’est-ce que tu fais là ? »
C’était la première fois qu’il rencontrait le professeur. À l’époque, il n’avait pas encore baissé sa garde. Il se rappelait l’avoir observé discrètement lors de sa visite, tandis que Dohyun discutait avec son employeur. Lorsque leurs regards s’étaient croisés, Dohyun lui avait offert un sourire incroyablement chaleureux.
« Bonjour. »
Wooyeon revit ce visage souriant. Il se souvint aussi d’avoir refermé la porte sans un mot, déconcerté par cet éclat lumineux et éclatant. Pourtant, Dohyun n’avait montré aucun signe de contrariété. Peu après, il avait frappé doucement à la porte de Wooyeon.
« Yeon-ah, c’est moi, ton tuteur. »
« … »
Brusquement, Wooyeon détourna le regard de Dohyun. Il craignait que leurs yeux ne se croisent et qu’il ne rougisse en silence. Heureusement, un hubae chargé de bagages passa en grognant.
« Je vais porter ça pour toi. »
« Euh… C’est lourd. »
Sans hésiter, Wooyeon saisit les sacs du junior. Ils pesaient leur poids, probablement remplis de boissons, mais ce n’était rien pour lui. Voyant avec quelle facilité il les soulevait, le hubae parut soudain gêné sans trop savoir pourquoi.
« Alors, portons-les ensemble. »
« Non, toi, va prendre autre chose. »
Wooyeon marcha résolument en direction du lieu de l’événement. Pendant ce temps, Garam, descendue du siège avant, se faufila dans la foule, le visage pâle. Elle semblait légèrement nauséeuse, comme si elle avait eu le mal des transports.
« Ah, quel emmerdeur. »
Sa voix trahissait une pointe de frustration. En entendant cela, Wooyeon ralentit le pas, puis posa une question inattendue à Garam, qui titubait légèrement.
« Qui traites-tu d’emmerdeur ? »
« Oh mon dieu, tu m’as fait peur ! J’ai cru que mon cœur allait lâcher… Pourquoi tu portes quelque chose d’aussi lourd tout seul ? »
Surprise, Garam attrapa l’un des sacs de Wooyeon. Il lui tendit le plus léger, et elle parut gênée sans raison apparente.
« Arrête de parler. Je suis déjà sur le point de mourir du mal des transports. Et tout ça juste parce que quelqu’un s’est assis à l’avant à ma place… Pourquoi s’énerver pour ça ? »
« C’est… C’était Dohyun ? »
« Ouais. Il a même souri et a choisi le siège avant. Mais les gars à l’arrière ont cru que c’était une blague, en mode ‘Dohyun est gentil et… ’ »
Alors qu’elle continuait de parler, Garam sembla soudain se souvenir de quelque chose et s’écarta légèrement. La distance instaurée, un brin gênante, laissait transparaître une certaine prudence. Ne pouvant rien y faire, Wooyeon décida de lui montrer un peu de pitié.
« C’est bon, maintenant. »
Comparé au moment où l’étudiant réintégré l’embêter, Garam, c’était rien. Même s’il n’aimait pas les Alphas, il n’avait pas envie d’y penser constamment. Et puisqu’ils faisaient partie du même club, il ne pouvait pas continuer à agir ainsi indéfiniment.
« … Je suis désolée pour l’autre fois. Je ne l’ai vraiment pas fait exprès, Wooyeon. »
« Je comprends. Tu ne l’as plus refait depuis. »
D’un ton désinvolte, il répondit tout en soulevant les bagages. Heureusement, Garam semblait un peu plus détendue. Profitant de la situation, Wooyeon la questionna avec une pointe de curiosité.
« Mais pourquoi tu t’énerves juste parce que quelqu’un s’assoit à l’avant ? »
« Eh bien… Kim Dohyun ? »
Arrivée devant l’entrée, Garam frappa violemment contre la porte.
« Hé, ouvrez la porte ! » cria-t-elle.
De l’autre côté, on s’exécuta sans tarder. Elle laissa passer Wooyeon en premier, puis, sans même enlever ses chaussures, s’affala dans l’entrée.
« Il déteste quand quelqu’un s’assoit à l’avant. »