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Alpha Trauma Chapitre 8

Chapitre 08

Wooyeon enfila son manteau comme ensorcelé. Lorsque Dohyun lui proposa le sien, il l’accepta sans un mot et le drapa sur ses épaules. Il aurait dû sentir les phéromones de Dohyun, mais son visage, étrangement impassible, contrastait nettement avec celui de Garam.

« Ça t’arrive souvent, ce genre de chose ? »

Une voix douce s’adressa à Wooyeon. Le ton, posé et presque maternel, semblait vouloir éviter de l’effrayer.

« Pourquoi cette question ? »

Wooyeon, toujours sur ses gardes, répondit en retour. Dohyun cligna plusieurs fois des yeux, comme s’il cherchait ses mots, puis ajouta d’un ton détaché :

« Tu as l’air habitué. »

« …

C’était vrai. Depuis qu’il s’était présenté, Wooyeon avait vécu ce genre de situation à plusieurs reprises, que ce soit à l’école ou dans la rue. Ce trait insignifiant qu’était celui d’un Oméga dominant le tourmentait de temps à autre.

« C’est ça la vie d’un Omega dominant. »

En proportion, les Alphas et les Omégas ne représentaient même pas 30 % de la population. Et parmi eux, les dominants naissaient avec une probabilité si infime qu’on pouvait les compter sur les doigts d’une main. Le fait qu’il y en ait deux réunis dans cet endroit relevait, en un sens, du miracle.

Même si la probabilité de croiser un Alpha était faible, Wooyeon restait toujours vigilant avec ses phéromones. En tant qu’Oméga dominant, il avait du mal à les contrôler, mais il faisait tout pour les réprimer. D’ordinaire, il les dissimulait comme n’importe quel Oméga ordinaire, et en présence d’un Alpha, il redoublait de prudence. Oui, il avait toujours procédé ainsi.

« Aujourd’hui, j’ai commis une erreur…  »

Normalement, la salle du club n’aurait jamais dû être saturée de phéromones. S’il n’avait pas réagi à Dohyun, s’il n’avait pas baissé sa garde et s’était laissé aller… Dans un espace confiné avec deux Alphas (dont un dominant), il avait été bien trop imprudent.

« Ce n’est pas quelque chose qui arrive souvent. »

Wooyeon mentit sans ciller. Il n’avait aucune envie d’évoquer de mauvais souvenirs ici. Dohyun plissa légèrement les yeux mais, sans relever, il se tourna vers Garam.

« Hé, si tu as repris tes esprits, viens t’excuser. »

À ces mots, Garam s’approcha rapidement. Les phéromones qu’elle avait laissées échapper s’étaient déjà dissipées dans l’air extérieur. L’air gêné, il baissa la tête et, incapable de soutenir son regard, murmura :

« C’est parce que je suis proche de mon rut*…  »

(N/T : Il s’agit d’une période cyclique où les instincts primaires d’un alpha (ou parfois d’un omega) sont exacerbés, entraînant des comportements plus impulsifs, protecteurs, ou même agressifs. Pendant cette phase, les phéromones sont plus intenses, et l’individu peut avoir du mal à se contrôler, ce qui peut influencer ses interactions avec les autres, en particulier avec les omegas.)

« Pas d’excuses, contente-toi de t’excuser. »

« … Désolé. »

Wooyeon regarda tour à tour les deux autres, partagé entre plusieurs sentiments. Bien que des situations similaires se soient produites à de nombreuses reprises, c’était la première fois qu’il recevait des excuses de la part de l’un des responsables. Alors qu’il hésitait sur la réponse à donner, une troisième option s’offrit à lui.

« Tu n’es pas obligé d’accepter. »

Dohyun ne montra aucune hésitation, même face à l’intéressée. Son regard, rivé sur Wooyeon, était plus sérieux que jamais.

« C’est elle qui est en tort, tu n’as aucune raison d’accepter. »

C’était une réponse tout à fait logique. Ironiquement, Garam ne semblait pas s’y opposer. Son air abattu, presque résigné, fit froncer les sourcils de Wooyeon.

« … Pourquoi tu t’excuses ? »

Leurs regards se croisèrent. Dohyun observa Wooyeon, et Wooyeon fixa Garam. Son front légèrement plissé trahissait ses émotions.

« Non, ce n’est pas que…  »

Wooyeon laissa sa phrase en suspens et secoua la tête. Ses cheveux clairs et ébouriffés retombèrent légèrement en désordre. Après une courte hésitation, une voix monotone s’échappa de ses lèvres.

« De toute façon, tu n’arrêteras pas de dire que tu es désolée, pas vrai ? »

Ce n’était ni un reproche ni une marque de bienveillance. Son ton, égal comme à son habitude, fit écarquiller les yeux de Garam.

« Si la prochaine fois, je ne contrôle pas mes phéromones, la même chose se reproduira… Et tu t’excuseras encore ? »

Au départ, Wooyeon s’était toujours dit que les Alphas n’y pouvaient rien. Il ne cherchait pas à les comprendre ; il les ignorait simplement. En tant qu’Oméga dominant, et surtout en tant que personne ayant grandi entourée d’Alphas, il n’attendait rien d’eux.

« Je ne suis pas vraiment surpris, et ce genre de chose arrive souvent… Enfin, de temps en temps. J’y suis habitué. »

Pour être exact, il serait plus juste de dire qu’il n’avait eu aucune réaction particulière. Pour être contrarié, encore faut-il qu’il y ait un élément de surprise. On ne s’énerve pas chaque fois qu’une fourmi nous pique. De toute façon, Garam ne pouvait pas vraiment le toucher.

« Ne me prends pas par le poignet. Je n’aime pas qu’on me touche. »

Cette fois, l’expression de Wooyeon était réellement inconfortable. Plus que tout, c’était cela qui semblait le déranger. Garam, les lèvres légèrement pincées, répondit d’une voix faible :

« … Désolée, je ferai attention la prochaine fois. »

En vérité, Wooyeon s’en moquait. Garam avait vite repris ses esprits et n’avait jamais eu l’intention de lui faire du mal. Tendre la main vers des phéromones si proches d’elle n’était qu’un simple instinct d’Alpha.

Mais il n’avait pas la patience d’être indulgent. Il pouvait faire comme si de rien n’était, mais il n’était pas assez clément pour feindre la bienveillance. Alors, il mit fin à la conversation en se levant.

« J’ai rempli le formulaire, je vais y aller. »

Il posa le manteau qu’il portait à côté de lui. Il avait dit plus tôt que quelque chose s’était renversé dessus, mais à l’œil nu, on ne voyait rien. Bah, si problème il y avait, ils en parleraient plus tard. Son sac et sa veste en main, il s’apprêtait à partir.

« … Pourquoi encore ? »

Dohyun, après avoir rapidement jeté un œil à son téléphone, s’était déjà emparé de « l’otage ». Le sac, qu’il avait laissé traîner sans trop y penser, se retrouvait à nouveau sur l’épaule de Dohyun. Tenant le manteau dans son autre main, ce dernier prit les devants sans même attendre Wooyeon.

« On y va. »

Ils se dirigèrent vers le parking, situé dans un coin du campus. Wooyeon, qui suivait Dohyun pour récupérer son « otage », s’arrêta, perplexe, devant la portière arrière. Alors que Dohyun s’apprêtait à déposer le sac sur la banquette avant de monter côté conducteur, il ouvrit la portière et demanda, l’air nonchalant :

« Tu montes pas ? »

« Où allons-nous ? »

« On va déjeuner. »

Le ton de Dohyun laissait entendre que la question était superflue. Pris au dépourvu, Wooyeon resta bouche bée un instant. Pendant ce temps, Dohyun s’approcha et ouvrit la portière du siège passager.

« Monte. J’ai promis de t’offrir quelque chose de bon. »

Wooyeon pensait que cette promesse était tombée dans l’oubli. Après tout, elle était unilatérale, et il n’avait jamais donné son accord. Peut-être que Dohyun essayait simplement de se rapprocher de Garam après ce qui s’était passé dans la salle du club ? Même en montant dans la voiture, il se sentait mal à l’aise.

« Tu habites loin d’ici ? »

« Non, c’est tout près. »

Mais il ne pouvait pas demander pourquoi Dohyun avait pris sa voiture. Au moment où il réalisa que l’habitacle était imprégné de phéromones, Dohyun se pencha brusquement vers lui. Wooyeon se figea, le souffle court, en le voyant approcher.

« …  »

Leurs regards se croisèrent, et un frisson parcourut la nuque de Wooyeon. Il retint instinctivement son souffle, écarquilla les yeux, ce qui fit immédiatement s’arrêter Dohyun. Ce dernier détourna le regard, visiblement gêné, et recula.

« Attache ta ceinture. »

Ce n’est qu’à cet instant que Wooyeon comprit que Dohyun voulait simplement l’aider à boucler sa ceinture de sécurité. Son cœur battait à tout rompre, et son visage s’empourpra. Comme si de rien n’était, Dohyun mit le contact et baissa légèrement la vitre.

« Si tu as froid, je peux allumer le chauffage. »

À quoi bon allumer le chauffage dans cet état ? De toute façon, sans cette distraction, il n’aurait pas pu dissiper la chaleur qui lui montait au visage.

« Il y a quelque chose que tu ne manges pas ? »

« Non… Rien. »

Mal à l’aise, Wooyeon serra fermement la ceinture de sécurité entre ses doigts. La brise qui s’infiltrait par la fenêtre lui effleurait la joue. Il avait un peu froid, mais c’était préférable à ce qu’on remarque son trouble.

« Et quelque chose que tu n’aimes pas ? »

« Non plus. »

« Je vais devoir poser la question sous forme de QCM. »

Avec un sourire léger, Dohyun tourna le volant. Son regard fixé sur la route, il parlait d’une voix posée.

« Choisis : cuisine occidentale, coréenne, japonaise ou street food ? »

C’était un véritable « instructeur de conduite ». Une facette de Dohyun que Wooyeon ne lui avait jamais vue et qu’il ne pensait jamais découvrir. Sa posture droite, son attention concentrée sur la route, dégageaient un charme bien différent de celui qu’il avait en résolvant des problèmes.

« Cuisine occidentale. »

Inutile de préciser que même son profil était incroyablement séduisant.

« Alors, pâtes, viande ou riz ? »

« Viande ? »

« Porc, bœuf ou poulet ? »

« Je ne mange pas de poulet. »

« Donc, il y a bien quelque chose que tu ne manges pas. »

Ses yeux doux se plissèrent légèrement. Vu de profil, ses cils paraissaient étonnamment longs. Tapotant le volant du bout des doigts, il esquissa un sourire.

« Tu veux du bœuf ? »

Il semblait vraiment amusé. Ce n’était qu’un simple échange de questions et réponses, mais il y mettait une telle énergie que cela en devenait presque excitant. Peut-être était-ce son humeur du moment, mais son sourire ne semblait pas feint.

« Je ne mange pas de trucs bon marché. »

Wooyeon répondit avec une pointe d’arrogance délibérée. Pourtant, malgré cette remarque qui aurait pu paraître désagréable, Dohyun éclata de rire, visiblement de bonne humeur.

« Tu vois ? Il y a bien des choses que tu ne manges pas. »

Quatre ans plus tôt, lorsqu’il recevait des cours particuliers, et même maintenant alors qu’il n’était qu’un junior, la gentillesse de Dohyun n’avait pas changé. Sa chaleur était universelle, offerte à tout le monde.

« Donc, si ce n’est pas bon marché, ça te convient ? »

Wooyeon ne répondit pas, mais Dohyun tourna la voiture sans attendre. Les paysages qui défilaient rapidement semblaient emporter avec eux un passé révolu.

Au final, Wooyeon mangea avec satisfaction. Le steak haché nappé d’une sauce légèrement sucrée et la salade fraîche étaient délicieux, même pour quelqu’un d’aussi exigeant que lui. Ce n’était pas un mensonge de dire qu’il ne mangeait pas de nourriture bon marché, mais Dohyun avait visiblement de bonnes raisons d’être aussi confiant.

« … J’ai bien mangé. »

Wooyeon venait de faire une découverte : même un plat abordable pouvait être savoureux. Il s’imagina la réaction de Dohyun s’il l’entendait dire ça, alors que ce dernier avait pourtant déboursé une somme loin d’être négligeable.

« La prochaine fois, on essaiera autre chose. Tout est bon ici. »

Était-ce une simple suggestion, ou bien ces mots sous-entendaient-ils qu’ils reviendraient ensemble ? Wooyeon faillit lui demander s’il venait souvent ici, mais il se ravisa. L’endroit, avec son ambiance soignée et chaleureuse, ressemblait à s’y méprendre à un lieu de rendez-vous.

« Tu es venu ici avec ton petit ami ? »

« Juste comme ça. »

Il avait reformulé la question, mais la réponse restait vague. Dohyun, habilement, l’évitait sans vraiment mentir. Il lui ouvrit à nouveau la porte avec la même gentillesse naturelle.

Il doit avoir beaucoup d’expérience en amour.

D’ailleurs, tout au long du repas, Dohyun avait pris soin de lui avec une attention particulière. Il lui avait mis une paille dans son verre, poussé les plats vers lui, et même essuyé discrètement la sauce qu’il avait renversée. Des gestes qu’un parent aurait pour un enfant, mais qui ressemblaient aussi étrangement à ceux d’un partenaire attentionné.

On dit que ceux qui ont une paupière simple sont des coureurs de jupons. Avec sa popularité et son beau visage, il n’était pas difficile d’imaginer que Dohyun avait un passé amoureux bien rempli. C’est sans doute pour ça qu’il avait voulu l’aider à attacher sa ceinture tout à l’heure.

« Je vais retourner à l’école…  »

C’est à ce moment-là que Wooyeon, soudainement agacé sans raison apparente, s’apprêtait à annoncer qu’il retournait au lycée. Submergé par une irritation qu’il ne comprenait pas lui-même, une suggestion inattendue l’interrompit.

« Tu veux un dessert ? »

Il comptait refuser. Wooyeon n’avait aucune envie de manger un dessert avec lui. Mais les explications douces et persuasives de Dohyun eurent raison de lui.

« Il y a une pâtisserie pas loin. Leur gâteau à la fraise est délicieux. Il est généreusement garni de fraises et pas trop lourd. »

Le coin de ses lèvres relevé était terriblement tentant.

« Et ce n’est pas bon marché non plus. »

Sa voix, empreinte de malice, le narguait légèrement. Wooyeon, les joues légèrement rouges, détourna le regard.

« … D’accord, je veux bien. »

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