Tome 1 – Chapitre 7 – Misérable malice
Cette nuit-là, la plus chose la plus importante qui s’était produite était la promesse qu’elle avait faite de “protéger Hajime”. Cette promesse qu’avait mentionnée Hajime pour soulager Kaori de son anxiété. Hajime avait disparu dans l’abîme, alors qu’elle le fixait. Elle continua de revoir ce souvenir encore et encore.
Quelque part au loin, on pouvait entendre un cri. Quand Kaori se rendit compte que la voix était la sienne, elle grimaça tout en retrouvant rapidement ses esprits.
« Lâchez-moi! Si je ne rejoins pas Nagumo-kun… J’ai promis! Je vais… J’ai dit que je le protègerai! Lâchez-moi! »
Shizuku et Kouki durent la retenir, car Kaori donnait l’impression qu’elle allait juste sauter après lui. Kaori déployait une force si extraordinaire qu’ils se demandaient d’où elle trouvait une telle force et comment pouvait-elle déployer cette puissance avec son corps si frêle. Malheureusement pour eux, elle utilisait cette force pour se libérer d’eux.
Si elle continuait de se débattre ainsi, elle pourrait se blesser. Cependant, ils ne devaient absolument pas la lâcher. S’ils la relâchaient, elle sauterait de la falaise.
Elle n’était pas dans son état normal, à tel point qu’on pourrait dire qu’elle était désespérée. Non, brisée serais un mot plus juste.
« Kaori! Tu ne peux pas! Kaori! »
Parce que Shizuku pouvait comprendre les sentiments de Kaori, elle n’arriva pas à trouver les bons mots. Tout ce qu’elle pouvait faire était d’appeler désespérément son nom.
« Kaori! Tu veux mourir aussi? C’est trop tard pour Nagumo! Calme-toi! Tu vas te faire mal! »
Kouki essaya de son mieux de lui faire comprendre à quel point il était inquiet pour elle. Ce n’était pas les meilleurs mots à dire à une Kaori aussi désorientée à ce moment.
« Qu’est-ce que tu veux dire “trop tard”? Nagumo-kun n’est pas encore mort! Si je n’y vais pas… Il est sûrement en train d’appeler à l’aide! »
Nagumo ne pouvait pas être sauvé, en tout cas, c’est ce que tout le monde pensait. Il était tombé de la falaise dans ce sombre abîme. Le sang-froid pour accepter cette réalité, l’actuelle Kaori ne l’avait pas. Mais si quelqu’un le lui disait, elle le nierait juste encore et encore. Ryutaro et les autres élèves ne savaient pas quoi faire, et se tinrent là, troublés.
À ce moment-là, Meld s’approcha d’eux et frappa Kaori derrière le cou sans rien dire. Elle eut un soubresaut, puis sombra dans l’inconscience. Kouki tint le corps mou de Kaori, et foudroya Meld du regard. Alors qu’il allait commencer à se plaindre, Shizuku le devança en inclinant sa tête et dit.
« Je suis désolée. Merci »
« Ne… Ne me remercie pas. Je ne peux pas laisser quelqu’un d’autre mourir. Nous allons quitter ce Donjon sans réserve. Je vous la confie. »
« Vous n’avez même pas besoin de demander. »
Elle le regarda partir, se dirigea vers Kouki et lui fit passer Kaori. Kouki avait encore une expression déçue sur son visage d’avoir été interrompu.
« Comme nous n’arrivions pas à l’arrêter, Meld a dû le faire. Tu comprends, n’est-ce pas? Nous n’avons pas le temps. Nous devions l’arrêter avant que ses cris n’affectent le moral des autres et qu’elle ne s’effondre. Je pense que Nagumo-kun aurait dit quelque chose comme « Hé, tu dois montrer le chemin, que nous puissions tous sortir d’ici. » »
À ses mots, Kouki acquiesça.
« Tu as raison, dépêchons-nous. »
Ils avaient vu un de leurs camarades de classe mourir devant leurs yeux. Cet événement avait fait beaucoup de dégâts au moral des élèves et s’était gravé dans leurs esprits. Tout le monde regardait là où il y avait eu le pont avec une expression de stupéfaction. Il y avait une fille qui avait dit “Je ne peux plus!” et s’était assise. Comme Hajime s’était écrié, le groupe avait besoin d’un leader maintenant.
Kouki haussa la voix vers ses camarades de classe.
« Écoutez! Pour le moment, ne pensez qu’à survivre. Nous devons nous replier! »
Les élèves bougèrent lentement en réponse à ses mots. Les cercles magiques d’où apparaissaient les Soldats Traum étaient encore actifs. Leur nombre augmentait un par un. Dans leur état mental actuel, se battre serait imprudent, aussi il n’était pas nécessaire de se battre. Kouki cria à ses camarades de classe pour les exhorter à s’enfuir. Meld et ses chevaliers essayèrent aussi d’encourager les élèves.
Enfin, tout le monde s’échappa par les escaliers.
Les escaliers jusqu’au niveau supérieur étaient longs. Ils montaient si haut, qu’ils ne pouvaient voir que les escaliers dans les ténèbres. À ce moment-là, ils avaient le sentiment d’avoir grimpé 30 niveaux ou plus. Même si leurs corps étaient renforcés par la magie, la fatigue arriva vite. Les blessures de la bataille un peu plus tôt étaient toujours présentes. Cela n’aidait pas que les escaliers soient longs et faiblement éclairés, rendant les élèves encore plus maussades. À ce moment-là, Meld envisagea de prendre une courte pause, mais s’abstint en voyant l’énorme mur avec un cercle magique dessiné dessus.
Les visages des élèves commencèrent à retrouver leur vitalité. Meld s’approcha rapidement du mur et se mit à l’examiner. Ils n’oublièrent pas d’utiliser Fair Scope. D’après leur enquête, les chances que ce soit un piège était très faible. Le but de la formule magique gravée était de bouger le mur devant eux. Meld commença à incanter pour infuser du pouvoir magique dans la formule magique. Comme une porte cachée utilisée par des Ninjas, la porte pivota pour leur ouvrir le chemin et laisser voir la salle derrière.
La salle révélée était celle qu’ils avaient parcourue au 20ème niveau.
« On est de retour? »
« On a réussi à revenir! »
« On l’a fait… On est de retour… »
Les uns après les autres, des soupirs de soulagement s’échappèrent de la classe. Il y eut quelques élèves qui fondirent en larme et d’autres qui tombèrent sur leur derrière. Même Kouki et son groupe qui s’appuyaient sur le mur, avaient envie de s’asseoir. Cependant ils étaient encore dans un Donjon. Même si c’était un niveau bas, ils ne savaient pas quand un monstre pouvait apparaître. Ils devaient sortir du Donjon avant de pouvoir vraiment se détendre.
Meld dû réprimer son envie de se reposer. Il dû durcir son cœur pour crier aux élèves de se lever.
« Les gars! Ne vous asseyez pas! Si vous êtes épuisés ici, vous ne pourrez pas sortir! Pour éviter tout combat avec des monstres, nous devons nous échapper aussi vite que possible. Hé, prenez sur vous encore un tout petit peu! »
Les élèves qui voulaient se reposer plus longtemps le fixèrent juste dans une protestation silencieuse. Ils se relevèrent à contrecœur, un peu étourdis. Kouki cacha sa fatigue et prit la tête. Sur le chemin de la sortie, les chevaliers se concentrèrent pour combattre le plus petit nombre d’ennemis possible. Ils foncèrent vers l’entrée d’une traite.
Enfin, ils atteignirent le 1er étage et virent l’entrée nostalgique. Ils n’étaient même pas restés un seul jour dans le Donjon, mais beaucoup d’entre eux avaient le sentiment que cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas vue.
Cette fois, les élèves avaient vraiment l’air soulagés après être sortis du Donjon. Il y avait même des élèves étalés devant la place de la porte. Ils étaient tous heureux d’avoir survécu. Certains des élèves n’avaient pas les mêmes sentiments. Shizuku, qui portait encore Kaori inconsciente, Kouki, Ryutaro, Eri, Suzu, et la fille que Hajime avait sauvée avaient un air sombre.
Meld alla faire un rapport à l’aire d’accueil en gardant un œil sur les élèves. Il y avait un nouveau piège dangereux au 20ème niveau. Comme le pont s’était effondré, il n’y avait aucun moyen de connaître le but de ce piège, mais il devait quand même le signaler. Il n’avait d’autre choix que de signaler la mort de Hajime. Meld avait beaucoup de mal à masquer la tristesse sur son visage. Il ne put empêcher un soupir de lui échapper.
⁂
Quand le groupe fut rentré à Horald, ils retournèrent à leur chambre sans grande énergie. Il y avait quelques élèves qui discutaient ensemble, mais la plupart d’entre eux s’étaient déjà endormis sur leur lit.
Et puis il y avait Hiyama Daisuke. Il était assis en-dehors de l’auberge, dans un coin de la ville. Il avait choisi un endroit discret pour s’asseoir, ses bras entourant ses genoux. Enfoncé entre ses genoux, son visage ne bougeait pas. Si quelqu’un de sa classe le voyait, il aurait dit qu’il avait l’air déprimé que l’un de ses camarades soit mort. Cependant…
« Hi, Hihihi. C-C’était sa faute! Pour un moins-que-rien… I-Il a été trop loin… C-C’était une punition divine. Je n’ai pas tort… C’était pour le bien de Shirasaki… Ce moins-que-rien… Je n’ai plus à m’en soucier… Je n’ai pas tort… hihihi »
Avec son sourire sombre et ses yeux ternes, il essayait de se justifier.
La boule de feu qui avait dévié de sa trajectoire et toucher Hajime avait été lancée par Hiyama. La fuite vers les escaliers et le sauvetage de Hajime, la scène du rendez-vous nocturne de Hajime et Kaori, Hiyama avait entendu un diable lui murmurer « Si je le tue maintenant, personne ne s’en rendra compte? » À ce moment-là, il avait vendu son âme.
Pour ne pas être découvert, Hiyama avait très soigneusement minuté son tir et dirigé sa boule de feu sur Hajime. Dans ce barrage chaotique, il serait très difficile de discerner qui avait lancé quoi. Il avait choisi la boule de feu parce que son aptitude était le vent. Il n’y aurait aucune preuve et aucun soupçon. Hiyama se dit tout ça en lâchant un rire sinistre.
À ce moment-là, quelqu’un s’adressa à lui.
« Heh, c’était vraiment toi. Le premier assassin d’un autre monde est un camarade de classe… Bravo! »
« Q-Qui? »
Hiyama recula paniqué. Celui qui l’avait interpelé était quelqu’un de sa classe qu’il connaissait.
« T-Toi, qu’est-ce que tu fais ici? »
« On s’en fout de ce que je fout là. Et sinon… assassin-san? Comment tu te sens, maintenant? Qu’est-ce que ça fait de tuer son rival en amour au milieu du chaos? »
Cette personne rit légèrement. Comme s’il venait de voir une comédie. Hiyama se dit, un camarade de classe était mort pour de vrai, pourtant cette personne s’en fichait. Tous les autres étaient choqués et avaient l’air misérables, mais cette personne n’avait aucune expression de ce genre sur son visage, pas la moindre.
« C’est ça ta véritable nature? »
Murmura Hiyama stupéfait. Un ton condescendant et méprisant pouvait être entendu dans la voie de la personne.
« Nature? Ce n’est pas quelque chose de compliqué comme ça. N’est-ce pas normal d’avoir quelques secrets? Plus important, que se passerait-il si je disais ça à tout le monde? Surtout… Si elle l’entend. »
« Q-Quelque chose comme ça… Personne ne croirait… Et t’a aucune preuve! »
« Aucune, mais ils pourraient commencer à douter de toi. À ce moment-là, crois-tu que ta parole sera suffisante? »
Hiyama était acculé. Les mots étaient utilisés pour tourmenter son esprit déjà affaibli. Personne n’aurait imaginé que cette personne pouvait être ainsi. Daisuke n’arrivait toujours pas à croire que cette personne avait une double personnalité. La personne baissa les yeux sur Daisuke avec une expression sadique qui déclencha des frissons dans son corps.
« Qu’est-ce que tu veux? »
« Regrettable. C’est comme si je te menaçais, n’est-ce pas? Fufu. Ce n’est pas comme si je voulais quelque chose de toi en ce moment. Pour l’instant, tout ce que tu as à faire c’est d’être mes mains et mes pieds. »
« Ce genre de choses… »
C’était quelque chose comme une déclaration d’esclavagisme. Évidemment, Hiyama hésita face à ça. Il voulait refuser, mais s’il le faisait, alors cette personne allait propager sans pitié des rumeurs sur ses actes. Hiyama, hésitant, pensant “Je préfère encore travailler avec cette personne que d’être emprisonné”. Cette personne avait prévu le conflit intérieur de Hiyama et décida de le tenter.
« Ne veux-tu pas Shirasaki Kaori? »
« Q-Qu’est-ce que tu as dit? »
Les sombres pensées de Hiyama furent balayées au loin en un instant et il fixa simplement la personne. Celle-ci eut un sourire narquois face au visage stupéfait de Hiyama, et continua sa tentation.
« Si tu me suis… Un jour tu l’obtiendras. J’allais aborder Nagumo-kun avec cette offre, mais tu l’as tué. Tu conviendras peut-être mieux à ce que j’ai prévu, donc j’imagine qu’au final tout s’est bien passé. »
« …Quel est ton objectif? Qu’as-tu l’intention de faire? »
Dans cette situation où il ignorait tout, il haussa involontairement la voix.
« Fufu, ça n’a rien à voir avec toi. Je cherche quelque chose, c’est tout ce que je dirais… Alors, ta réponse? »
Hiyama ne voulait pas perturber cette personne et se contenta de ranger dans sa mémoire le fait qu’elle le traitait comme un idiot. Daisuke avait très peur de cette transformation de caractère, il n’avait pas vraiment le choix alors il acquiesça simplement de la tête.
« … J’obéirai. »
« Ahahaha, c’est bien. Devoir engager des poursuites contre mon propre camarade de classe serait douloureux. Alors prends soin de moi, assassin-san! Ahahaha »
Hiyama se contenta de regarder la personne retourner en direction de l’auberge en riant joyeusement, un petit “merde“ s’échappa de ses lèvres.
Même s’il voulait oublier, juste être en déni n’effacerai rien, cette scène resterait collée dans son esprit. L’expression de Kaori quand Hajime était tombé dans l’abîme. Quel genre de mots pouvait décrire les sentiments de la jeune fille.
À présent, tous les autres élèves épuisés dormaient comme des souches, ayant peu à peu accepté la mort de Hajime et ayant compris les sentiments de Kaori ainsi que le fait qu’elle ne prenait pas soin de lui juste par bonté de cœur. Et tout en regardant la Kaori épuisée, il savait qu’elle cherchera la cause jusqu’au bout. Hiyama avait compromis ses chances avec elle de par cet acte inconsidéré.
Il devait bien se tenir. Afin d’assurer sa place. Hiyama avait déjà franchi la ligne. Il n’était plus possible de s’arrêter maintenant. En obéissant à cette personne, la possibilité qui avait disparue, cette possibilité que Kaori soit sienne, était de nouveau disponible.
« Fufu, ça ira. Tout se passera bien. Je n’ai pas tort. »
Hiyama revint à sa précédente position et se mit à marmonner de nouveau. Cette fois-ci, personne ne vint le déranger.