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Everyone Else is a Returnee Chapitre 1

Solitude 1/3

Chapitre 1 : Solitude 1/3

Il dormit longtemps, aussi longtemps qu’il en eut besoin. Personne ne le réveilla, aussi son premier réflexe fut-il d’aller dans la cuisine. Un petit déjeuner l’attendait déjà, sans le moindre doute possible préparé par l’ange. Elle était absente, mais il s’y était attendu. Elle l’avait prévenu qu’ils ne se verraient qu’assez peu.

« C’est tellement bon… »

L’émotion le saisit. Si esseulé, l’effet de la moindre attention à son égard était décuplée. Aussi culpabilisant cela puisse-t-il être, ce repas était bien meilleur que ce que sa mère n’aurait jamais pu préparer. C’était l’équilibre parfait entre le goût et les qualités nutritives.

« Si elle gagne bien sa vie, je la marie ! »

Qui peut bien marier des anges… Sûrement d’autres anges ?

Sur ces réflexions, il se leva dans le but de laver sa vaisselle, mais celle-ci disparut toute seule sous ses yeux. Elle faisait même la vaisselle… Il alla se laver en pensant que l’ange essayait probablement de le séduire. Sur le point de finir de s’habiller pour aller à l’université, il se rappela que cela ne serait d’aucune utilité.

« Bon… Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? »

La réponse lui sauta au visage en se rappelant les paroles de la divine créature. Il devait devenir plus fort. Ce n’était pas parce que ses cellules ne vieillissaient plus qu’il ne pouvait pas profiter des résultats d’un entraînement.

L’ennui était davantage qu’il détestait l’idée même de bouger. Il avait trop de mauvais souvenirs liés au sport, sauf peut-être cette fois où il avait fait tomber la perruque de son professeur de sport lors d’une course de relais. L’heure était cependant trop grave pour se contenter de cette excuse.

10 ans avant que les monstres n’arrivent… Il faut que je fasse tout pour prendre en force, à défaut de pouvoir utiliser le mana.

« Youpi, direction la salle de muscu… »

Il soupira et rejoignit son bureau afin de regarder sur internet diverses méthodes de musculation pendant tout une journée puis profita d’un dernier repas déposé sur la table avant d’aller à la salle de musculation locale. Celle-ci ne risquait pas d’être fermée, aussi toutes les machines lui étaient-elles accessibles.

Pas vraiment motivé, il commença par s’installer sur un cycloergomètre1) dans l’espoir de brûler quelque graisse. Ce fut le début de sa transformation, et il s’y attela pendant trois ans sans jamais se plaindre.

« Tu es bien sûr d’être du 21ème siècle ? Comment tu peux faire la même chose pendant trois ans d’affilée ? » finit par lui demander l’ange.

« Ce n’est pas comme si j’avais le choix. »

« C’est vrai, il faut que tu t’entraînes. »

« Voilà. Au final, ça ne change pas vraiment des études. »

Elle l’avait regardé comme une espèce de bête bizarre, mais son entraînement avait porté ses fruits. Il ressemblait désormais à l’un de ces types hyper bodybuildés qui animaient des émissions télévisées.

Il continua ainsi pendant deux années encore jusqu’à ne plus en pouvoir. Plus que cinq ans… Il fallait trouver un autre moyen de s’occuper.

« Dis, il faudrait que j’apprenne un sport de combat, et à manier une arme, non ? »

« Et qui va t’apprendre ? »

Elle revint finalement souvent le voir, s’habituant même à son absence de déférence. Sinon pour ses ailes, elle se comportait avec lui comme une espèce de grande sœur.

« Je sais pas trop pourquoi, mais internet et l’électricité fonctionnent encore. Je pensais m’entraîner en regardant des vidéos. »

« Hmm, après tout le temps s’est arrêté… »

« Tu vas continuer longtemps avec cette excuse pourrie ? »

« Ouais ! »

« Pfff… Bon, si tu devais me recommander quelque chose, ce serait quoi ? »

« Je pense que le vale tudo2) serait un bon point de démarrage. Apprends à te servir d’une lance aussi, mais je pense pas que tu trouveras grand chose à ce sujet alors continue de t’entraîner. »

« J’ai dit un seul… »

« Il reste cinq ans, tu peux bien apprendre les bases des deux ! »

Elle oubliait malgré tout que le vale tudo, au même titre que le systema, était basé sur une dure préparation avant même de penser à développer la technique de chacun. Ce n’était pas comme apprendre le karaté ou la boxe. Yu Ilhan ressentit dès lors le besoin de se plaindre, mais l’expression sérieuse de l’ange lui fit changer d’avis. Elle ne se moquait pas de lui, l’apprentissage d’une telle discipline le préparerait davantage à l’apocalypse.

Après tout, les arts martiaux, c’est que de la théorie puis de la pratique.

Il n’avait donc d’autre choix que de suivre son conseil. Si la solitude l’avait tout d’abord violenté, il y était désormais mieux habitué. Les capacités d’adaptation de l’être humain ne sont pas vantées pour rien… D’autant plus qu’il était en sécurité, à l’abri du besoin et avait bien de quoi s’occuper. Il pensait encore parfois à sa mère, mais la présence de l’ange et sa conversation lui réchauffaient le cœur.

Plus que cinq ans… Il faut que je tienne bon.

Les deux années qui suivirent, il fit tout son possible pour s’entraîner mais le vale tudo ne restait encore pour lui qu’une lointaine notion découverte par internet. À l’inverse, il avait déjà réalisé des progrès à la lance même s’il s’entraînait à l’aide d’un manche à balai. Passé la troisième année et aidé de livres spécialisés, ses progrès se firent plus rapides, allant jusqu’à remodeler son corps pourtant déjà sculpté. Il était devenu une véritable bête de combat, au point que l’ange elle-même fut surprise de le voir ainsi transformé.

« Tu n’as pas pris des stéroïdes, hein ? »

« C’est tout ce que t’évoquent mes efforts ? »

« Tu es vraiment surprenant… Tous les humains sont comme toi ? »

« Merde, à la fin. Laisse-moi tranquille. »

Un ennui demeurait : il n’avait encore jamais eu d’adversaire. De par le passé, il aurait tourné les talons, mais il connaissait à présent toute l’importance de se mesurer à quelqu’un. En effet, malgré l’aisance de ses mouvements et une très bonne coordination des yeux et des mains, il n’avait aucun moyen de tester véritablement ce qui pouvait fonctionner ou non dans sa défense comme dans son offensive.

Au bout de la neuvième année, il fit part à l’ange de ses doutes sur l’utilisation des sacs de sable pour se préparer à se défendre face à un monstre quand celle-ci, à sa surprise, s’auto-désigna de l’index.

« Ce serait comme frapper ma grande sœur ! »

« J’ai beau n’être qu’une femme à tes yeux, n’oublie pas que je suis un être plus évolué que toi et l’envoyée de Dieu. Je suis bien plus forte que tu ne l’imagines. »

« Mais euh, tu es bien certaine de savoir ce qu’est le vale tudo ? »

Apprendre le vale tudo ne revenait pas à apprendre à désarmer un adversaire, mais à comment le tuer. Il n’en était qu’à sa quatrième année d’entraînement mais connaissait toutefois très bien la puissance dévastatrice de ce sport.

« Ahlala… C’est moi qui t’ai expliqué ce que c’était, ne t’inquiète pas. »

« Tu es certaine ? Je ne voudrais pas que tu regrettes. »

« Bien évidemment. »

Elle bomba le torse, et le regard de Yu Ilhan changea tout à coup.

« Bien. Alors tu vas ramasser mon poing sur la gueule pour les neuf années d’isolement que tu m’as imposé ! Crève ! »

Finalement, elle lui colla une copieuse rouste. Elle était parfaitement formée à l’exercice.

« C’est bon, tu as compris ? Écoute, je vais continuer à te servir d’adversaire. Ce sera le plus grand service que les anges auront jamais rendu à l’humanité, je crois bien… »

« Jamais ! M’approche pas ! »

Aussi couvert de bleus soit-il, il n’était pas en position de négocier. Il en avait grand besoin, et son désir de l’aider était des plus sincères. C’est ainsi qu’ils s’entraînèrent ensemble, améliorant considérablement la technique du jeune homme. Il eut bien prétendu qu’il ne lui devait rien, les progrès qu’il fit en l’espace d’une année seulement, autant au vale tudo qu’à la lance, ne faisaient aucun doute sur le bien fondé de la démarche. Puis la date fatidique de dix ans arriva.

Il alla prendre une douche, se rasa et se regarda dans la glace. Seul son visage juvénile était encore témoin de cette étrange journée où avait disparu l’humanité, jurant avec son corps excessivement musclé.

« J’aimerais bien être un peu plus grand, quand même… »

« Tu grandiras sûrement après l’apocalypse, non ? Ton visage n’est pas très beau, mais tu es bien taillé, c’est vrai qu’un peu plus grand… Hmm, ce serait pas mal. »

« Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?! »

Il retourna se regarder dans le miroir et étudia chaque détail de son visage. Il n’était pas disharmonieux, mais sa pâleur était assez inquiétante. Enfin, après tout, c’était son visage…

« Avec tout ce que tu as appris, tu arriveras facilement à combattre des monstres faibles, donc tu pourras rapidement prendre des niveaux. Le mana te sera bientôt accessible… »

Sa voix avait quelque chose de triste. Elle se préparait aux adieux, mais Yu Ilhan eut un doute sur son propos. Quelque chose lui semblait illogique.

« Attends, tu m’as bien dit qu’on ne pouvait pas tuer les monstres sans mana ? Comment je vais faire si je dois prendre des niveaux avant de pouvoir m’en servir ? »

« Non, ça ne vaut que pour les monstres composés d’une énergie plus puissante encore. Les autres tu peux les tuer à la lance, ou même avec un pistolet. »

« Tu… Tu m’as menti ? Tu m’as menti ! »

« Mais non ! Je n’ai pas menti, c’est juste que nous n’avons pas abordé les détails… »

Regarde-la qui bombe encore le torse… Faut vraiment qu’elle montre ses nichons tout le temps.

Il était furieux mais ne put se retenir d’observer sa divine silhouette, ce n’est toutefois qu’après un long moment qu’il finit par se calmer. Au final, son mensonge avait bien servi ses intérêts.

« Pfff… Je suppose que les cours ne reprendront pas dès le départ, hein ? »

« Non, en effet. La société risque d’être assez handicapée sur pas mal d’aspects, aussi l’humanité va-t-elle entrer dans un âge ou la fibre musculaire sera bien plus utile que la matière grise. »

« Je vois… »

« Tu sais, j’étais très inquiète quand j’ai découvert qu’on t’avait abandonné ici. Tes efforts m’ont rassuré, je suis certaine que tu vas bien t’en tirer. »

Il n’avait plus aucune notion du temps, aussi est-ce elle qui le prévint que dix ans avaient passé. Il retourna en sa compagnie vers le campus de l’école de commerce afin d’éviter la création d’un paradoxe.

« Merci pour tout, divine sœurette. »

Elle se surprit de son attention. Jamais avant l’idée même de la remercier ne lui avait traversé l’esprit. Elle se mit à rougir avant de rire aux éclats.

« C’était assez divertissant ces dix années. Grâce à toi. » lui dit-elle.

« Je te reverrai un jour ? »

« Ça, ça dépend de toi… »

Elle se retourna, prête à s’envoler.

« Mon nom est Lita. »

« Lita, hein… »

La façon qu’il avait eu de répéter son prénom en signifiait bien toute l’importance à ses yeux, ce qui la fit sourire.

« Il est temps pour moi de partir, Yu Ilhan. Le temps va reprendre son cours et l’humanité revenir. »

« Je comprends. Fais attention à toi. »

Elle lui fit un dernier signe avant de s’élever vers les cieux. Yu Ilhan tentait quant à lui de se contrôler, déçu d’avoir à lui faire ses adieux. Sa vie allait reprendre son cours… Il ferma les yeux.

Après environ une minute, il réalisa que rien n’avait encore changé. Il ouvrit les yeux et vit Lita, toujours dans le ciel, manifestement paniquée. Elle redescendait vers lui.

« Tu m’expliques ? » lui dit-il d’une voix calme.

« Héhé… On dirait qu’il y a eu un souci. »

« Un souci ? Tu te fous de moi ?! Espèce de tarée ! »

« Ça a dû être causé par l’arrêt temporaire du cours du temps, c’est comme s’il avait dévié de son axe… Ce n’est pas très grave. D’ici dix à vingt ans, tout au plus… »

« Argh, c’est pas possible ! »

Yu Ilhan se mit à hurler et se jeta à terre, roulant et arrachant des touffes d’herbes. Il ne pouvait pas s’en prendre à elle, les précédentes raclées l’avaient guéri de l’idée. C’est seulement une fois bien sali qu’il se releva, le regard rivé vers le ciel.

« Bon… Ce ne sont pas dix ou vingt ans qui vont me tuer. Je vais attendre, c’est pas grave. »

Il s’était bien débrouillé jusqu’à présent, il s’en sortirait bien encore pendant quelques temps. Il fallait bien rester positif, encore qu’il eut désormais d’autres qualités…

Cependant, même après vingt ans, l’humanité n’était toujours pas revenue. Cinquante ans après sa disparition, Yu Ilhan cessa de compter.

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