Entrevue Officieuse ⑨
En fin de compte, l’affaiblissement de la Religion de la Déesse qu’a organisé la Religion de la Parole Divine était un évènement inévitable. Alors même que la seconde souhaitait l’amélioration des compétences et des statistiques pour diminuer le fardeau pesant sur le Système tout en répandant son réseau d’information au sein de l’ensemble des territoires humains, tout cela afin de stabiliser ce monde, la première, elle, qui n’a littéralement rien fait. Tout ces mesures ont réduit autant que possible les dégâts subis par l’ensemble de l’humanité et ont simultanément servi de contremesures face aux attaques démoniaques. Les actions du pape et de son organisation jouent un rôle majeur dans la difficulté qu’ont les démons à conquérir les humains, alors même que leurs statistiques sont plus élevées.
L’humanité ayant été contrôlée dans les coulisses pour qu’aucun conflit à large échelle n’éclate, le stress qu’ils accumulent ce faisant finit par se déverser entièrement sur les démons. Vous pouvez bien imaginer le travail d’horloger qu’est le fait de minutieusement manipuler l’opinion de l’ensemble de l’humanité et les informations auxquelles celle-ci a accès sur une aussi longue période. Voilà ce que la Religion de la Parole Divine a dû accomplir pour pouvoir manipuler le monde humain.
Toutefois, si la Déesse devait mourir, l’influence qu’ils ont soigneusement accumulés sur toutes ces années s’effondrera. Si la Voix de Dieu devait vraiment changer, cela poserait sûrement une énorme et inévitable problème pour la Religion de la Parole Divine, qui l’a placé au centre de sa doctrine. Quoi qu’ils fassent, il est impossible d’empêcher que la foi des croyants ne soit affectée. Si de nombreux humains devaient alors se convertir à la Religion de la Déesse, cela pourrait donner naissance à un veritable revers de fortune.
La Religion de la Déesse est loin d’être aussi douée pour inventer des discours capable d’influencer l’opinion publique et est loin de pouvoir égaler son rival dans le domaine de la gestion de l’information. Si la Religion de la Parole Divine devait infiltrer une taupe au sein de l’organisation rivale pour la transformer en un successeur digne d’elle, ce serait une tout autre affaire, cependant, s’ils sont prêts à investir une telle quantité d’efforts et de temps, il serait plus facile de simplement écraser la Religion de la Déesse, conservant ainsi leur position de tête. Plus que tout, la Religion de la Déesse n’a aucune compréhension même des éléments les plus basiques du Système. A la vue de ces informations, il est certain et logique que le pape ne puisse tolérer de laisser la place de son organisation à un tel groupe.
A l’origine, la mort de la Déesse aurait dû se produire bien, bien plus tard dans le futur. Mais c’est à ce moment-là qu’intervint un certain quelqu’un qui manipula le héros et le roi-démon afin qu’ils attaquent cette satanée D, gâchant ainsi une grande quantité d’Énergie MA, ce qui , en réaction, causa cette vertigineuse diminution de la durée de vie de la Déesse. Ils avaient vraisemblablement l’intention, à l’origine, d’étaler le déclin artificiel de la Religion de la Déesse sur une bien plus longue période. Mais dû à ces circonstances imprévues, ils furent obligés de changer de tactiques, la situation s’étant déjà dégradée à un tel point qu’il leur fallait rapidement réduire l’influence de la Religion de la Déesse, même s’il fallait pour cela entrer en guerre.
Avant même la mort de la Déesse, la Religion de la Parole a pris diverses mesures. L’une d’entre elles était de manipuler les informations à disposition du public. Afin d’affaiblir le chaos que génèrera le changement, ils ont répandu diverses rumeurs suggérant indirectement un changement de propriétaire de la voix du Système. Ces rumeurs se disséminent progressivement parmi la population et, une fois un certain palier franchi, elles se verront complémentées par des légendes ayant pour but de leur fournir un soupçon d’authenticité auprès de l’opinion publique. Cela pourrait par exemple être que la Déesse est tombée enceinte et que son mari prendra sa place jusqu’à la naissance de l’enfant.
De toute façon, bien qu’ils ne feront certainement aucune déclaration visant directement la Déesse de la Religion de la Déesse au cours de cette période, ils finiront par déclarer que les deux religions vénèrent le même dieu. Il est probable que certains le remarquent avant même la déclaration officielle.
Même si tout cela n’est pas la pleine et entière vérité, il sera impossible pour les membres ordinaires et le grand public de s’en assurer. Et si la Religion de la Parole Divine devait faire cette annonce en avance, le changement que subira ensuite la Voix de Dieu ne fera que leur accorder plus de crédibilité. Rien qu’avec cela, ils devraient pouvoir considérablement affaiblir leur perte d’autorité.
Toutefois, à ce compte-là, ont-ils vraiment une raison pour écraser la Religion de la Déesse ? Peut-être bien que non, toutefois, ce n’est pas si simple. Même au sein de la Religion de la Déesse, il existe déjà certaines personnes qui considèrent de la Voix de Dieu de la religion rivale est celle de la Déesse. Et si la voix ne faisait que changer, comme l’a dit le pape, alors les humains qui arriveront à la conclusion que la Déesse est morte seront bien peu nombreux. Je ne pense donc pas que quiconque finira par s’enfoncer dans le désespoir et perdre toute volonté de vivre dans une telle situation.
De plus, une fois que la croyance comme quoi le Dieu de la Parole Divine et la Déesse ne sont qu’un se sera profondément insinuée dans l’imaginaire publique, cela offrira l’opportunité parfaite pour que l’autorité de la Religion de la Déesse soit celle à s’effondrer. Je suis sûre que le pape en serait parfaitement capable, néanmoins, il ne le fera pas. Il n’en a pas le temps.
Si la Déesse devait mourir, cela signifierait après tout qu’il est déjà dos au mur. La seule raison pour laquelle il a permis à la Religion de la Déesse de persister malgré la vérité gênante que contient sa doctrine, c’est parce que le fait de pouvoir à tout moment la transformer hypothétiquement en ennemi lui est très pratique. Autre éventualité, il est possible qu’il reste des traces tenaces de sympathie envers la Déesse dans le cœur du vieil homme. Dans un tel cas, il lui serait probablement douloureux que d’écraser une religion qui la vénère.
Une fois toutes ces informations réunis, on s’aperçoit rapidement que la mort de la Déesse servira de déclencheur à d’importants évènements dans ce monde. Étant donné qu’il n’y a déjà pas un instant à perdre, le pape ne pourra pas se permettre d’accorder ne serait-ce que quelques secondes aux complications idéologiques et religieuses provoquées par l’existence de la Religion de la Déesse. C’est pourquoi il devait les écraser tant qu’il était encore temps.
Même la Religion de la Parole Divine a certainement dû faire face à de nombreuses difficultés pour pouvoir accélérer son plan de détruire la Religion de la Déesse de plusieurs siècles.
Et c’est alors que moi, qui à l’époque était, avec sérieux, appelée par tous le ‘Cauchemar du Labyrinthe’, me suis tranquillement ramenée, ce dont le pape a pris avantage pour lancer son attaque. Eh bien, maintenant que j’y repense, ce n’est pas vraiment ma faute, huh. Après tout, à l’époque, je ne savais même pas ce que préparait la Religion de la Parole Divine et, même si j’ai fini par déchiqueter quiconque je voyais sur le champ de bataille, quelle que soit le côté auxquels ils appartenaient, dans un accès de colère, je vous assure que c’était de la légitime défense, j’étais après tout attaquée de tous les côtés. Je suis donc vraaaiment désolé pour les habitants du pays de Sariella.
D’après la Religion de la Parole Divine, leur plan pour accabler la religion rivale est toujours en cours d’exécution. Bien qu’il ne soit plus en guerre au sens propre, le pape et ses subordonnés ont livrés une guerre diplomatique s’étant soldée par l’isolement diplomatique de plus en plus prononcée au cours du temps du pays de Sariella, cœur de la Religion de la Déesse, le tout afin de diminuer sa puissance nationale. Ils attendent en ce moment le jour où ce pays perdra patience et lancera son attaque. S’il devait prendre cette décision idiote, il se verront immédiatement écrasé et même dans le cas contraire, leur idéologie se verra graduellement réécrite. Pour accomplir une telle chose, la Religion de la Parole Divine adoptera secrètement des orphelins de guerre et des enfants venant de famille pauvre afin de les entrainer à sa façon.
Bien que je considère ces méthodes comme sales, le pape ne risque pas de dévier du chemin qu’il a choisi. Même si une décision devait coûter 10 000 vies, tant qu’elle permet également sauver 10 001 personnes, il la prendrait sans la moindre hésitation. Voici l’homme connu sous le nom de Pape Dustin. Celui qui a été reconnu par le Roi-Démon lui même, un monstre parmi les hommes. D’une certaine façon, il est encore plus monstrueux que Kuro ou même que le Roi-Démon.
Il est tout simplement impossible de pousser cet homme à changer d’avis. Au moins que vous ayez minutieusement placé un point de non-retour sur le chemin qu’il souhaitait originellement suivre, même négocier est impossible. Le sujet originel à l’ordre du jour était une alliance anti-elfe, il y avait donc de fortes chances pour qu’il accepte.
Toutefois, nous avons fini par lui fournir une plus grande quantité d’informations que prévue et j’avais tout du long l’impression que les discussions se dirigeaient vers une impasse. Sachant qu’il m’est en plus douloureux de communiquer sur une période prolongée, une fois l’accord assurant la mise en place de notre collaboration anti-elfe passé, j’allais directement prendre la poudre d’escampette, mais c’est alors que la jeune vampire s’est sentie obligée de tout gâcher à son tour. Je pensais sérieusement qu’elle allait refaire le portrait du pape et probablement bien plus.
Eh bien, si elle avait pris cette décision, cela m’aurait au moins épargné l’effort de devoir traiter avec lui dans le futur, donc, de mon côté, n’importe quel résultat me serait allé. Résultat final, cela a été un véritable KO pour la suceuse de sang.
« J’ai clairement été témoin de votre détermination. »
La vampire est actuellement gelé sur place, je vais donc à nouveau tenter de partir, en espérant de pas échouer comme plus tôt.
« J’espère que nous pourrons développer une relation avantageuse pour tous à partir d’aujourd’hui. Je reviendrai un autre jour. »
Très bien ! C’est l’heure d’y aller !
« Je vous prie d’attendre un instant. »
Mais qu’est-ce que tu me veux, encore ! Ne m’arrête pas ! Je veux partir tout de suite !
« Vous êtes vous déjà décidés pour l’invasion démoniaque ?
– En effet. »
LAISSE-MOI-PARTIR !
« Très bien. Quand puis-je m’attendre à votre prochaine visite ?
– Dans 10 jours, à la même heure.
– Je me préparerai donc à cet égard. Vous avez ma plus sincère gratitude pour m’avoir accordé du temps aujourd’hui malgré votre emploi du temps chargé.
– De même. Je me dois de vous remercier pour votre accueil cordial malgré notre arrivée soudaine. Et maintenant… »
Un dernier salut de la tête et cette fois, je me suis téléportée pour de bon. Et leur barrière anti-téléportation ? C’est sans importance !
Je balance la jeune vampire et Oni-kun dans une pièce appropriée du manoir avant de me téléporter une nouvelle fois. J’arrive alors dans une autre dimension. Une autre dimension rien qu’à moi, où je peux rester seule.
Je suis épuisée. Usée jusqu’à la corde. Je veux juste rester ici sans rien faire un petit moment, sans avoir à rencontrer quiconque. Pour être plus exact, c’est ce que je vais faire. Rien qu’à penser que je vais devoir retraverser la même chose dans 10 jours, cela me rend mélancolique au point que je veuille mourir. J’ai vraiment envie de passer les 10 jours d’attente ici sans rien faire.
Notes du Traducteur Anglais :
– ‘vraaaiment désolé pour…’ – En VO, Shiro dit littéralement ‘mengo mengo’, une version corrompue de ‘gomen gomen’. Pour faire simple, c’est une excuse de mauvaise foi.
– ‘J’ai clairement été témoin de votre détermination’ – cette ligne venant de Shiro pourrait paraître étrange à des occidentaux comme nous mais c’est en réalité une tournure de phrase légèrement archaïque en Japonais. Cela revient en quelque sorte à donner une petite tape sur la tête (comme compliment) mais en employant un registre plus soutenu.
Entrevue Officieuse – Secret
Je laisse le rangement de la salle de conférence à mes subordonnés et me dirige vers mes quartiers privés. A mon arrivée, je ferme la porte, vérifie être seul et me laisse tomber sur ma chaise comme si mes forces m’avaient abandonnées. C’est alors Mes jambes se mettent à trembler, bien trop tard. Je ne peux m’empêcher de lâcher un énorme soupir.
Quel que soit le nombre de fois où j’y ai fait face, la peur de la mort reste tout aussi forte. J’ai certes réussi à survivre cette fois ci mais je me demande bien ce qu’il se produira dans 10 jours.
J’ai peur de la mort. Mais, plus que tout, ce qui m’effraie vraiment, c’est que le monde soit détruit avant que je ne puisse revenir. Lors de cette rencontre, je me suis vanté que tout irait bien même si je n’étais plus là et, dans les faits, je suis certain que mon absence n’ébranlerait pas la Religion de la Parole Divine. Malgré tout, je ne peux pas me débarrasser de mon appréhension à l’idée que quelque chose pourrait arriver alors que je ne suis pas là.
Je stimule mes genoux tremblants. Peu après, je décide de me lever et de récupérer une certaine bouteille de vin sur l’une des étagères. En temps normal, je m’abstiendrai mais je suis sûr qu’il est acceptable de se laisser aller après une telle journée. Cela seul montre à quel point j’ai été acculé aussi bien mentalement que physiquement au cours de cette brève rencontre.
« Pourrais-tu préparer un deuxième verre ? »
Une fois m’être retourné après avoir soudainement entendu une voix, je remarque Dragon Noir-sama qui, semble-t-il, s’est invité sur l’une de mes chaises, assis de façon élégante
« Il est certain que même une personne dans ton genre se retrouverait considérablement terrifié après avoir fait face à cette chose.
– Épier autrui n’est pas quelque chose que je peux approuver en tant que pape. »
Une fois sa plaisanterie tranquillement esquivée en ayant exprimé mon honnête opinion, le doux sourire de mon interlocuteur s’approfondit en réponse. Je ravale un soupir avant qu’il n’ait pu s’échapper, prépare deux verres avant de faire face à l’Administrateur. Le moment de verser le vin venu, je remet le premier verre à mon invité surprise avant de remplir le mien.
« Eh bien, Santé ! »
Lorsque nos deux verres entrechoquèrent légèrement, un son résonna dans la pièce privée avant que, bien entendu, je ne penche mon verre, déversant ainsi son contenu dans ma bouche et stimulant ma vieille gorge. Ma première boisson depuis bien longtemps… semble être un stimulus un peu trop puissant pour mon corps âgé.
« Alors, qu’as-tu pensé de cette chose ? »
Je pris un certain temps pour apprécier ma boisson et lorsque vint le moment pour lui de se verser un second verre, mon invité en profita afin de me poser la question précédente.
« Je ne sais pas. »
Ma réponse était honnête. Lors de cette conférence, je n’ai pas pu rassembler le plus petit indice concernant cette fille appelée Shiro et se proclamant Administratrice. Je ne pourrais pas réaliser la moindre conjecture concernant sa personnalité, en vérité, de nous deux, j’étais celui à être testé aujourd’hui et non l’inverse. Les mots qu’elle a prononcé en fin de réunion ‘J’ai clairement été témoin de votre détermination.’ en sont l’exemple parfait. Notre rapport de force lui même, celui d’un évaluateur et d’un évalué, se manifestait ici et là.
« Ça ne m’étonne pas. Moi-même, je n’arrive pas vraiment à la comprendre. »
Dragon Noir-sama semble de bonne humeur, celui-ci souriant tout en observant le vin tourbillonner.
« Son affirmation… celle comme quoi elle est elle aussi une Administratrice, est-ce la vérité ?
– Cela me paraît légèrement injuste que de révéler ce secret mais, très bien. Cette chose est indubitablement une Administratrice. Pour être exact, elle a accès aux profondeurs du Système qui sont, même pour moi, inaccessibles.
Tout en exprimant mon accord face aux mots de mon interlocuteur, je peux sentir ma fatigue augmenter à chacune de ses paroles.
« Si cette Administratrice est personnellement intervenue, cela doit vouloir dire que la situation est particulièrement mauvaise.
– Effectivement. »
M’annonçe avec désinvolture mon invité avant de soulever son troisième verre.
« Toutefois, pas la peine d’être aussi pessimiste. Que cette chose réussisse ou que je disparaisse, en fin de compte, ce sont les deux seules possibilités. Tant que les choses évoluent selon le scénario qu’elle a préparée, il me suffit de faire comme si je ne savais rien .»
Lorsque Dragon Noir-sama évoqua sa possible disparition, son ton indiquait qu’il trouve cette possibilité plaisante d’une certaine façon.
« Est-ce que cela ne vous dérange pas ?
– Qu’est-ce qui serait sensé me déranger ?
– Le fait que vous risquez de devenir le nouveau pilier organique du Système.
– Ahh. Tu parles donc de cela.
– En effet. Une fois la Déesse morte, vous perdrez sans aucun doute l’unique raison pour laquelle vous demeurez sur ce monde. Et vous n’aurez qu’encore moins de raison de succéder à la Déesse.
– Je pense te l’avoir déjà dit, mais après être allé aussi loin, il serait extrêmement difficile pour moi que de tout abandonner. Et Sariel ne souhaiterait probablement pas, elle aussi, que j’abandonne mes devoirs. De plus, je ne vois aucun mérite à vivre dans un monde où elle n’existe pas. Dans ce cas, ce n’est pas une si mauvaise idée que d’utiliser cette vie qu’est mienne pour assurer la survie de ce monde qu’elle aimait. »
Bien qu’ici et là, il dise des choses qui m’inquiète, même si je devais l’interroger là-dessus, je suis certain qu’il ne me répondrait pas. Après tout, cet Administrateur ne compte que sur lui-même. Jusqu’à présent, nul ne pouvait être à ses côtés et il ne pouvait s’appuyer sur personne. Pour toutes les raisons précédemment citées, il est parfaitement seul. Je ne suis, moi-même, pas digne de rester à ses côtés.
Peut-être est-ce la raison de l’humeur inhabituellement bonne de Dragon Noir-sama. Après tout, une existence digne de se tenir à ses côtés est finalement apparue.
« Cette chose est vraiment fascinante. Sais-tu comment elle se réfère à moi lorsqu’elle pense que je ne peux l’entendre ?
– Eh bien, je ne peux même pas commencer à l’imaginer.
– ‘Bon à rien’. »
Pauvre de moi. Dire qu’elle considère l’existence au sommet de ce monde comme un bon à rien. Je ne sais même pas si l’on peut juger encore cela comme un comportement audacieux. Comparé à l’image soignée et calme qu’elle m’a donnée lors de notre rencontre, ces mots semble venir d’une tout autre personne.
« Je suis moi-même conscient qu’il est inévitable pour moi d’être ainsi considéré. J’ai après tout évité de faire le moindre choix toutes ces années. En conséquence de cette longue période d’inaction, j’ai à terme perdu le droit de faire mes propres choix. Je suivrai simplement le scénario qui m’est préparé. Cette chose réussira-t-elle à accomplir ce qu’elle souhaite ou bien va-t-elle trébucher en chemin et échouer ? J’observerai ces actions jusqu’à la fin. Quelle qu’en soit l’issue, cela ne me dérange pas. »
Je peux déduire des mots prononcés par l’Administrateur que ce que souhaite accomplir Shiro-sama pourrait être bien plus grand que ce que je pensais. De plus, s’il m’en a informé directement, il est probable qu’il essaie indirectement par là de m’informer de ne pas lui mettre des bâtons dans les roues.
« Je ne peux que prier pour que le scénario que vous avez mentionné n’est pas quelque chose qui menacera les humains. »
Avec cette réponse, la question est tranchée. Même si Dragon Noir-sama lui-même cherche à m’avertir, si les actions de la femme en blanc vont à l’encontre du bien de l’humanité, je ne pourrai m’y plier. J’ai déjà perdu tout droit de faire un tel choix. Le choix d’agir à l’encontre des intérêts de l’humanité, je précise.
« Je vois. Cette boisson était un régal. »
Avant même que je ne le remarque, le contenu de la bouteille de vin avait disparu, comme par magie. Je n’avais pris qu’une gorgée de mon premier verre. Il semblerait donc que mon invité en ait consommé la majorité. Cependant, le temps que j’en prenne conscience, il avait déjà disparu du siège qui me fait face.
Note du Traducteur Anglais :
– Bon à rien : le mot utilisé dans la version originale est hetare, qui, de manière générale, est utilisé en place de ‘perdant’, ‘bon-à-rien’, ‘paresseux’, ‘incompétent’, ect… C’est le même mot qu’utilise Shiro pour décrire Kuro dans le chapitre 255, que j’avais à l’époque traduit par perdant
Note du Traducteur Français :
– J’ai traduit par ‘cette chose’ le ‘that’ que Kuro utilise pour désigner Shiro dans la version anglaise car ‘that’ est en général utilisé pour désigner une chose ou un objet. De plus, dans cette situation, le ‘that’ indiquait le caractère mystérieux de ce qu’il désigne, du moins selon le traducteur anglais, et cela correspond plutôt bien même si ce n’est pas parfait. ( Si vous avez mieux, proposez, je le changerai peut-être.)
Oni 16 – Justice ?
[C’est précisément pour cette raison que je dois éviter à tout prix de créer inutilement des montagnes de cadavres.]
Je pourrai jurer que les mot du pape font toujours échos dans mes oreilles. Ce vieil homme, qui n’obéit qu’à sa propre inébranlable volonté, a tout au long de sa vie dû tuer les personnes qu’il était sensé protéger, de ses propres mains. Si cela permet d’assurer la survie du plus grand nombre, il ne refuse pas à se salir les mains. Sa volonté et sa puissance lui permettent de prendre des mesures aussi drastiques, et cela sans même hésiter un seul instant.
Tuer est mal. Les questions comme ‘Comment ?’ et ‘Pourquoi ?’ n’ont pas leur place sur ce point. Pour quelle raison le meurtre est-il répréhensible ? Ce n’est pas quelque chose pouvant être expliqué sur le papier. Il ne faut simplement pas faire ce qu’il ne faut pas faire. Il n’y a rien d’autre à ajouter. Les gens sont écœurés à cette idée, non pas à cause d’une quelconque définition, mais bien car c’est ce qui fait d’eux des personnes et non de simples animaux.
Mais alors, quelle décision prendre si vous vous retrouviez dans une situation où vous n’avez pas d’autres choix que de commettre l’irréparable pour protéger ceux qui vous sont chers ? Que faire si, tout en sachant que c’est mal, vous n’avez simplement pas d’autres options à votre disposition ?
Ce que fait le pape, ses actions transforme le monde à sa propre convenance. Toutefois, ses actes ne sont pas motivés par son bénéfice personnel mais bien par sa sincère inquiétude pour le monde dans lequel il vit. Pour le bien de son monde, il est prêt à sacrifier ses intérêts personnels, à sacrifier de nombreuses personnes mais il en sauve encore plus dans le même temps.
De telles actions sont-elles… justes ? Ou bien sont-elles… mauvaises ?
Secourir quelqu’un est définitivement un acte juste. Et je peux affirmer sans me tromper que tuer quelqu’un est mal. Mais si jamais quelqu’un accomplit les deux à la fois, comment diable suis-je censé déterminer quel adjectif utilisé ?
Je ne sais pas. A-t-il tort d’agir ainsi ou a-t-il raison ?
Quelle que soit la réponse, il y a au moins une chose dont je suis certain. Et c’est que ce pape, même si quelqu’un devait affirmer en face à face avec lui qu’il ne prend pas les bons choix, ne déviera pas de son chemin. Malgré la douce expression qu’il arbore, la conviction visible dans son regard frôle la folie. Je pense pouvoir déclarer sans me tromper que, quoi qu’il arrive, il ne s’arrêtera jamais. Et si jamais cela devait malgré tout arriver, ce ne sera que, je cite, une fois son corps et son âme en lambeaux ou sinon une fois ce monde hors de danger.
Le chemin qu’à choisi le vieil homme est-il le bon, ou non ? Disons, à titre d’exemple, qu’il faisait erreur. Même si tel était le cas, je suis certain qu’il transformerait son échec en source de motivation afin de se redresser une fois de plus. Et cela jusqu’à ce qu’il ne reste plus la moindre trace de son corps et son âme.
Il est tout bonnement terrifiant. Cette conviction poussée à l’extrême, chose qui ne peut pas être exprimée en terme de statistiques ou de compétences, est un pouvoir vraiment absurde. Si nous nous affrontions directement, je gagnerai sans l’ombre d’un doute. Néanmoins, une telle victoire serait totalement dénuée de sens. Même une fois tué, il n’aura qu’à se relever encore. Et encore. Personne ne peut se comparer à lui en terme de volonté inflexible.
Et moi, me direz-vous ? Sur ce point, je suis terriblement faible. Mon cœur est d’une telle faiblesse que j’ai brièvement souhaité mourir, accablé par le poids des crimes que j’ai commis. Et malgré ce désir, une fois sauvé, j’ai été incapable de me donner la mort, ce point montrant à lui seul à quel point mes sentiments sont misérables et à quel point je suis faible.
Mes statistiques et mes compétences… sont plus que probablement impressionnante, même d’un point de vue global. Bien que j’ai réalisé à la dure qu’il y a toujours quelqu’un de meilleur que soi, je reste malgré cela bien supérieur à la moyenne. Mais en comparaison avec au pouvoir que je possède, ma volonté, mon cœur est bien trop faible. Je suis déséquilibré.
Je dois moi aussi devenir fort sur ce point. Je ne pourrai jamais arriver à la cheville de la détermination frisant la folie, pour dire la vérité, je pense qu’une telle aspiration est bien trop éloignée de mon état actuel pour que je puisse ne serait-ce qu’en faire mon objectif. Malgré cela, je prendrai au moins mes responsabilités pour le chemin qui m’a mené jusqu’où je suis actuellement et agirai afin d’en tirer le maximum. La voilà, la ligne que je me trace. La voilà, l’excuse que le faible que je suis utilisera afin de pouvoir se pardonner
J’ai déjà pleinement récupéré du combat face à Sophia-san et de la raclée qui s’est ensuivi, aux mains de l’homme en noir. Il est l’heure que j’arrête de me tourner les pouces dans ce manoir. Je dois agir. A partir d’aujourd’hui, je dois moi aussi découvrir comment, selon moi, le monde devrait être.
Je vais parler à Shiro-san. Lui demander quel est son but. Lui demander quelles sont les méthodes qu’elle emploiera pour l’atteindre.
Si le chemin que j’ai décidé de suivre et le sien coïncide alors je coopérai volontiers avec la dame en blanc. Dans le cas contraire, eh bien… je ne peux que prier pour que ce soit plutôt la première proposition.
Le temps que je prenne cette résolution, il était déjà l’heure du diner et pourtant Shiro-san n’était toujours pas présente, chose inhabituelle de sa part. A sa place était assise Sophia-san, qui ne semblait plus n’être que l’ombre d’elle-même et qui n’avait qu’à peine touché à son repas.
Je pense qu’elle aussi s’interroge sur de nombreuses choses dû à sa rencontre avec le pape. Ses pensées sont probablement si confuse que je ne pourrai sûrement pas les deviner, même si l’on me laissait une centaine d’essai.
Pour commencer, elle est né dans un pays vénérant la Déesse et j’ai également entendu lors de la conférence que sa ville natale a été détruite par les membres de la Religion de la Parole Divine. J’avais expérimenté une chose similaire lorsque les humains ont détruit mon village gobelin, je comprends donc très bien ses sentiments, sa fureur, émotion à la puissance telle qu’il est facile de s’oublier au profit de sa colère et de sa haine.
Pour ma part, j’ai mené à bien ma vengeance de mes deux mains. Toutefois, ce n’est pas une option disponible pour la jeune vampire. Enfin, ce n’est pas tant qu’elle ne peut pas mais plutôt qu’elle ne veut pas, la raison étant l’incroyable détermination dont le pape a fait preuve lors de la rencontre. Après avoir été témoin de première main de son imparable conviction, je suis certain que même Sophia-san a réalisé qu’il aurait été complètement inutile de tuer le pape à l’époque.
La vengeance est-elle un acte juste ? Je ne pourrai répondre à cette question. Néanmoins, après l’avoir expérimenté de première main, je comprends clairement qu’il est impossible de tourner la page sans prendre sa revanche.
Jusque aujourd’hui, Sophia-san a toujours vécue sans se voir offrir la moindre chance de se venger. N’est-ce pas précisément ce qui l’a conduit à franchir aussi facilement la ligne que l’on ne devrait jamais franchir et à emprunter le chemin de l’injustice ? Les flammes de la vengeance ayant tout ce temps brulée dans son cœur pourrait avoir déformé sa personnalité. J’ai du moins fini par considérer les choses sous cet angle.
Et aujourd’hui, voilà qu’elle apprend que, même si elle devait faire face à sa cible, le pape, elle serait incapable d’obtenir sa vengeance, quoi qu’elle fasse. En temps normal, il lui aurait suffit de l’éliminer afin d’obtenir satisfaction. Toutefois, le vieil homme est une exception à cette règle. Même si elle devait le tuer, cela ne servirait à rien. Le seul moyen lui restant pour prendre sa revanche serait de briser son esprit, toutefois, je suis sûr que Sophia-san réalise tout aussi bien que moi la difficulté de la tâche.
Bien qu’elle n’a qu’à peine touché à sa nourriture, la vampire se prépare à partir.
« Que dirais-tu d’au moins prendre quelques bouchées de plus ? »
L’interpellai-je sans vraiment y réfléchir. Et de façon totalement déplacée, je pense. Du moins, c’est l’impression que me donne l’irritation non dissimulée qui traverse les yeux de la réincarnée.
Sang 33 – Vie passée et vie actuelle
De toutes les choses qu’il aurait pu dire, il a choisi ‘Que dirais-tu d’au moins prendre quelques bouchées de plus ?’ !? Il n’y a pas si longtemps, il a utilisé cette même bouche pour me nier le droit de consommer ce qui, de mon point de vue, est la seule chose pouvant être considéré comme de la nourriture. Ce doit être une blague, ce n’est pas possible.
Non, je comprends ce qu’il lui passe par la tête, vraiment. Ce type ne comprend simplement rien. Il ne se rend pas compte que dire une telle chose à un vampire revient fondamentalement à lui demander de consommer plus de sang.
Mais, vous savez, il est tout à fait normal que je ne puisse m’empêcher de supposer qu’il ne comprend l’implication de ses propos. Je veux dire, ces paroles sont tout de même passés par les mêmes lèvres que celles m’ayant qualifié moi et mon mode de vie d’atrocité.
Lorsqu’en retour, je le fixe en silence, l’expression de Wrath semble indiquer un certain trouble. Toutefois, je pourrais parier toute ma fortune qu’il n’a pas la moindre idée de la raison derrière mon irritation.
« ‘Prendre quelques bouchées de plus’ ? Cela ne revient-t-il pas à me dire ‘de prendre quelques bouchées de sang’, huh ? Pourtant, si je me souviens bien, tu as qualifié cet acte ‘d’atroce’ l’autre jour ? »
Après avoir observé l’expression stupide de mon interlocuteur, ces mots dépassèrent ma pensée, franchissant involontairement mes lèvres. En le voyant réagir de façon franchement paniqué, mon humeur s’améliore légèrement.
« A moins que, en me disant cela, tu me proposes ton sang ? Après tout, m’interdire de me servir de mon hypnose ne revient-il pas foncièrement à me demander d’obtenir le consentement de mes ‘proies’ ? Tu es toi-même conscient que personne ne prendrait une décision aussi saugrenue, pas vrai ? »
Profitant de l’opportunité qui m’est offerte, je fais pleuvoir les sarcasmes sur ma victime. En règle générale, je n’aurai aucune chance de gagner cette dispute verbale. Toutefois, mon adversaire ayant aujourd’hui déjà creusé sa tombe, je vais en profiter pour me venger des critiques qu’il a fait s’abattre sans retenue sur moi la dernière fois.
« Dis. Tu sais, il n’y a pas si longtemps, tu n’a pas hésité à qualifier mes actes comme atroce et tout ça, mais comprends-tu au moins la difficulté qu’aurait un vampire pour obtenir du sang sans hypnotiser ses cibles, hein ? »
Wrath semble vouloir garder le silence. Il semble qu’il soit du genre à se faire discret lorsqu’il est en désavantage.
« Il est certain que, en se basant sur des valeurs humaines, nous, les vampires, sommes des êtres intrinsèquement maléfiques. Très bien, je l’accepte, cependant, que dois-je faire dans ce cas, dis-moi, me suicider ?
– Ce n’est pas ce que je voulais dire…
– Oh, vraiment ? Cela ne revient-il pas au même pourtant ? ‘N’hypnotise personne’. Avec une telle condition m’étant imposée, ne suis-je pas réduite à agresser des personnes que je ne connais pas ou bien à me montrer d’une honnêteté naïve et à supplier les autres pour leur sang ? Je te l’ai déjà dit à l’instant, penses-tu vraiment qu’il existe des gens suffisamment étranges pour accepter lorsque je leur demande du sang ? Bien sûr que non. Dans ce cas, n’ai-je donc plus d’autres choix que d’agresser des gens dans la rue ? Toutefois, je ne sais pas pour toi, mais je trouve cela bien pire que mon comportement actuel. »
En vérité, étant une Véritable Ancêtre, ce n’est pas exactement comme si je ne pouvais vivre sans consumer de sang. Néanmoins, après avoir pris goût au sang humain, enfin à celui des démons, même si l’on me donnait l’ordre de ne plus jamais y goûté, je suis loin d’être certain de pouvoir endurer l’épreuve. Les choses ne feront que se compliquer s’il devait l’apprendre et, comme il n’a aucune raison de jamais le savoir si je ne le lui dit pas, je vais juste garder le silence sur ce point.
« D’un autre côté, si je me sers de mon hypnose, je pourrais effacer les souvenirs de mon attaque et même leur faire expérimenter des sensations agréables. Le savais-tu ? De ce qu’on m’a dit, se faire sucer le sang est plus que plaisant. Ainsi, l’autre personne pourra prendre plaisir sans ressentir la moindre crainte malgré la situation et je ressentirai moi-aussi du plaisir grâce au sang qu’il m’a fourni. Les deux partis étant heureux, n’est-ce pas une situation gagnante-gagnante ? »
Je suis presque certain que le ‘baiser’ d’un vampire est bel et bien agréable. Je suis celle à leur sucer le sang donc je ne pourrais vraiment le dire moi-même mais de ce que j’ai entendu de mes victimes, c’est une sensation semblable au sexe. C’est d’ailleurs tellement semblable qu’après avoir sucé une partie de leur sang, les choses penche souvent dans cette direction.
Wrath fait une expression révolté à la mention de ‘plaisir’. Qu’est-ce qu’il lui prend ? Il est encore vierge ?
« Es-tu encore puceau ?
– Bwah !? »
Le kijin bondit alors littéralement de surprise, cette scène semblant tout droit d’un sketch humoristique.
« Qu, qu-qu-qu, qu’est-ce que quoi !? »
Ah, donc il est vraiment vierge. Hmm-mm.
« Que dis-tu de ça : si tu me laisses te sucer le sang, je t’aiderai à perdre ta virginité. Ce n’est pas un si mauvais accord, non ?
Au moment où ces mots franchirent mes lèvres, il choquèrent même la personne à les avoir tenus, c’est-à-dire moi. Cela mis à part, Wrath a ressenti un tel choc à cette proposition qu’il s’est comme figé sur place. Même dans cette situation, nous n’avons pas arrêter d’échanger des regards en silence.
« Je ne ferai jamais quelque chose d’aussi frivole. »
Le premier à ouvrir sa bouche fut l’Oni. Réagissant d’un ton las, il lâche cette remarque pudique.
« Dis, ne te sens-tu pas excessivement entravé par le bon sens de ta vie précédente ? »
Lorsque les mots que j’ai encore une fois laissé échappé sans le vouloir m’arrive aux oreilles, je sens mon cœur bondir dans ma poitrine. C’est vrai. Ma vie précédente est ma vie précédente, point final. Bien que j’étais irrévocablement humaine lors de ma vie au Japon et bien que je semble toujours en être une au premier regard, à l’intérieur, je suis une tout autre créature. A ce compte-là, n’est-il pas évident que mon bon sens et presque tout ce qui fait de moi qui je suis soit maintenant différent.
『Ojou-sama, pensez-vous que vos parents seraient fiers de vous dans l’état où vous êtes ?』
Ces mots qu’avait prononcé Merazofis sont encore aujourd’hui gravé dans mon cœur. J’avais l’impression d’avoir trouvé ma réponse, bien que ce ne soit encore que de façon ténue. Je serai encore aujourd’hui incapable de la mettre en mots mais je sais au moins que j’ai accompli la première étape.
Je suis moi. Une vampire. En fin de compte, ce que dit Wrath n’est pas si faux. J’ai deux choix, soit mourir en tant qu’humaine, soit vivre en tant que vampire.
En y repensant, il me semble idiot de m’être tant inquiété jusqu’à présent. Être maléfique ne me dérange pas. Je suis une vampire, après tout, alors quel est le mal de vouloir vivre en tant que vampire ? C’est en premier lieu bien plus étrange de supposer que le bon sens humain s’applique à un vampire.
« Dans ce cas, ne penses-tu pas que, de ton côté, tu abandonnes trop facilement ta vie précédente, Negishi Akiko-san ? »
Je ne sais pas à quoi il pensait pour employer inutilement mon ancien nom mais, quelle que soit la réponse, ce mec est plus que doué pour prendre les gens à rebrousse poil
« Et en quoi est-ce un problème ? De mon point de vue, tu es la personne la plus tordue dans l’histoire, à essayer de t’accrocher à ton humanité malgré ta nature de non-humain, tu sais, Sasajima Kyouka-kun. »
J’ai pensé a appeler Wrath par son nom précédent en réponse, ce à quoi il a visiblement grimacé.
Hmm-mm. Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle Wrath déteste tant son ancien nom mais si cela lui tape à ce point sur les nerfs, ne devrais-je pas l’utiliser à chaque fois que je veux m’adresser à lui à partir d’aujourd’hui ?
Notes du Traducteur Anglais :
– ‘Atrocité’ ou ‘atroce’ fait probablement référence au chapitre 260 dans lequel Wrath a utilisé ce mot pour qualifier le comportement passé de Sophia.
– Au cours de l’arc ‘Bataille au Village des Elfes (200.5.1-11)’, qui se passe probablement quelques années dans le futur, Sophia-san se réfère à Wrath en utilisant Kyouka-kun. Il est probable que ce soit lors de ce chapitre qu’elle ait pris cette habitude.
Oni 17 – Les faibles ne sont que de la viande que les forts dévorent
« En premier lieu, qu’est-ce que c’est que ce nom ‘Wrath’ ? Simplement car tu possède la compétence Colère, tu as choisi d’en faire ton nom ? Cela doit être un simple alias, pas vrai ? Ce n’est pas comme si tu étais un chuunybiou. Ah, peut-être en es-tu un ? Si tel est le cas, je suis vraiment, vraaaiment désolée. De façon à ce que tu n’aies pas besoin de prétendre que ce ne soit pas le cas, je vais dans ma grande mansuétude me rabattre sur Kyouya-kun à partir d’aujourd’hui. »
Je suis incapable de trouver de réponses satisfaisantes à offrir à Sophia, qui m’adresse un grand sourire tout en faisant de son mieux pour me taper sur les nerfs. Elle laisse vraiment facilement ses émotions apparaître sur son visage, je peux clairement voir qu’elle ne désire rien de plus lors de cette conversation que me provoquer. Un sourire narquois étant toujours gravé sur ses lèvres, j’en déduis donc qu’elle ne va pas mettre fin à ses attaques verbales de sitôt. Peut-être n’est-ce que naturel, après tout, le sujet abordé en lui-même est désavantageux pour moi et il est rare lors de nos conversations, que je sois celui en position de faiblesse.
Un chuunybiou, hein. Je ne me serais jamais attendu à être ainsi qualifié. Eh bien, en y repensant posément, je ne peux qu’avouer que ce genre de nom pourrait très bien être choisi par une personne atteinte du syndrome du collège. Lorsque j’ai choisi mon nouveau nom, ma fatigue m’avait comme vidé l’esprit, j’avais donc pris la première chose à me traverser l’esprit. Je ne peux pas pour autant nier que ses accusations sont justes. A titre de justification, comme je n’aurai à l’époque jamais pu imaginer que mes anciens camarades de classe m’accompagneraient dans cette réincarnation, je ne pensais pas que quiconque puisse comprendre ce que signifiait ce mot anglais.
Cependant, après que cet adjectif peu flatteur m’a été comme jeté au visage, je me suis immédiatement senti honteux. Cet échange à sens unique m’a fait ressentir une étrange sensation, comme si quelqu’un m’avait soudainement saisi en plein rêve avant de me renvoyer dans le monde réel. Enfin, tout de même, si jamais ce choix faisait de moi un chuunybiou, n’en est-il pas de même pour Shiro-san ?
« Disons, à titre d’exemple, que j’en sois vraiment un. Cela ne voudrait-il pas dire que Shiro-san en est une elle aussi ? »
Sophia-san est simplement et absoluement incapable de s’opposer à la dame en blanc. Bien que le temps que j’ai passé en leur compagnie soit faible, cela m’a suffit pour réaliser l’ordre hiérarchique en place. Par conséquent, j’ai choisi de m’appuyer là-dessus pour lancer ma contre-attaque. Mais après avoir réalisé le caractère mesquin de ma réponse, je me suis senti abattu et déprimé. A l’origine, nous étions sensés échanger des arguments sérieux en faveur de notre cause alors comment cela s’est-il transformé en une série d’attaque personnelle suivie d’une discussion sur untel est-il un chuunybiou ou non ?
« Bwah !? Tu es un idiot, c’est ça !? Goshujin-sama est ça ! Ca, CA ! »
Sa réplique est loin de pouvoir être considéré comme excellente, j’en croirai presque que quelqu’un venait soudainement de la priver de la capacité de formuler des phrases correctes. A mieux y regarder, elle paraît franchement nerveuse. A-t-elle donc peur à ce point de Shiro-san ?
« Je ne l’ai jamais pensé ! Bien qu’elle ne puisse rien faire vis-à-vis de la blancheur de son corps, je peux t’assurer ne jamais m’être demandé pourquoi elle le complémentait de vêtements d’un blanc uniforme, ni pourquoi ses yeux sont en permanence fermés bien qu’elle puisse parfaitement y voir – Je n’ai jamais pensé tout cela, je vous l’assure ! »
Suis-je le seul à l’entendre se saborder tout au long de sa protestation ? Sophia-san, c’est un sujet sur lequel je m’interroge depuis un certain temps déjà, mais au fond, tu es quelque peu idiote, pas vrai ?
Ah.
« Quelqu’un m’a appelée ? »
Avant même que je ne m’en rende compte, en effet, sans même que deux personnes aussi puissantes que Sophia et moi ne remarquions sa présence, Shiro-san s’était approchée de nous. Pour être exacte, elle était actuellement juste derrière la vampire.
« Je vois, je vooois. C’est donc ce que tu pensais de moi huh-h. Moi, une chuunibyou, huh-h. Nai wa-a. »
Hm ? Elle est bien différente de son état normal. Son ton, lui aussi, sonne faux et son teint, d’ordinaire pale, est désormais rougeâtre. Mais, par dessus tout, alors même que je n’ai jusqu’à présent jamais vu Shiro-san arborer la moindre expression, se trouve devant moi cette femme mystérieuse souriant tel une idiote.
Sophia-san s’est figé si précipitamment que j’aurai pu jurer avoir entendu le bruit que fait un personnage gelé dans un jeu vidéo. C’est alors que Shiro-san appuie sa tête sur l’épaule de la jeune fille. Au moment où la réincarnée laisse échapper un puissant rot, un grimace apparait sur le visage de Sophia-san.
« Go-Goshujin-sama ? Avez-vous bu de… l’alcool ?
– Par-fai-te-ment ! C’est vraiment délicieux ! »
La femme en blanc se met alors à glousser, comme si elle trouve cette situation hilarante. Il faut attendre d’avoir 20 ans avant de pouvoir boire, tu sais. Eh bien, même moi je réalise qu’il est un peu trop tard pour en parler dans cette situation.
Tout de même, voilà donc à quoi ressemble Shiro-san lorsqu’elle est ivre. J’en avais déjà entendu parler en détail grâce à la vampire, cependant, cette transformation dépasse mes attentes les plus folles. N’est-elle pas devenue une tout autre personne ?
« Mes vêtements sont blancs parce que c’est plus faciiile. SI je désirais vraiment les teindre, je pourrais, mais ce serait bien trop ennuyeux alors je ne l’ai pas fait, okay-y. La mode ? Est-ce que ça se mange ? »
C’est donc cela, un ivrogne agressif ? La personne concernée venait d’immobiliser la suceuse de sang afin de la priver de toute possibilité de fuite et l’expression de la personne prise au piège est voilée de désespoir alors qu’elle essaie de toutes ses forces d’échapper à son ‘agresseur’. Son teint pâle même pour un vampire ne fait qu’indiquer plus avant à quel point elle est terrifiée.
« Pour ce qui est de mes yeux, je dois en permanence les garder fermés afin que personne ne puisse voir mes Yeux Démoniaques. Je ne parle pas de ceux que les chuunibyou prétendent avoir mais bien d’authentiques Yeux Démoniaques, je t’assure ! Si je devais te les montrer, tu risquerais de mourir sur le coup, veux-tu toujours prendre le risque ?
– Eeeeek !? Non, je ne veux pas prendre le risque! Je ne veux vraiment, vraiment pas prendre ce risque !? »
Elle s’est même mise à crier. Ce spectacle est clairement devenu trop pitoyable pour que je puisse me contenter de regarder, je suppose que je vais donc devoir intervenir.
« Shiro-san, c’est déjà plus qu’ass…
– Chomp. »
Lorsque j’ai essayé de l’interpeller, celle qui s’était proclamé Administratrice auprès du pape a décidé de mordre l’oreille de Sophia-san. Et je ne parle pas d’un mordillement joueur, ce qu’on pourrait imaginer dans une telle situation, non, elle venait plutôt… d’arracher un morceau de chair d’un coup de machoire. Bien que la tête de la femme en blanc n’a pas bougé d’un pouce de mon point de vue, l’une des oreilles de la vampire a mystérieusement disparue. Alors même que je la fixe, muet d’étonnement, le coupable se met à mâcher sa prise.
« Crunch.
– No-o-o-o-on ! Elle me dévore ! Elle me dévore une fois de plus, après tout ce temps !?
– Geh-heh-heh. Je vais me servir.
– Ah, hey !? N’enlève pas mes vêtements ! Attends, attends ! Mon corps n’est pas un simple morceau de viande, tu sais ! Et toi, ne te contentes pas de regarder, sauve moi ! »
Huh !? Il semble que mes pensées s’étaient figées pendant un instant devant cet étrange tableau.
« Shiro-san, arrête. Arrête ! »
« King Crimson ! Enfin, ce n’est pas exactement le même pouvoir.
– Huh ? »
Avant même que je puisse réagir, Shiro-san s’était comme évaporé en plein air. Pourtant, elle aurait du se trouver juste là. D’ailleurs, elle ne semble pas être la seule car Sophia-san a elle aussi disparu. Du moins, c’est ce que je croyais jusqu’à ce que la voir effondrée par terre sur le ventre, les vêtements en désordre.
« Eh ? »
Suis-je la cible d’une illusion ou quelque chose de semblable ? La scène qui me fait actuellement face est totalement incompatible avec celle d’il y a seulement un instant.
« Tu es finalement de retour à la normale ? »
« Que m’est-il arrivé ?
– Qui sait ? Tu t’es soudainement figé en plein mouvement et est resté figé comme une statue jusqu’à maintenant. »
Elle m’a fait quelque chose.
« ‘Les faibles ne sont que de la viande que les forts dévorent’, c’est vraiment un idiome terrifiant. »
Le moins que je puisse faire pour la jeune dame étendu au sol, la tête baissée de honte, c’est d’enlever ma tunique pour l’en couvrir.
Note du Traducteur Anglais :
– ‘Les faibles ne sont que de la viande que les forts dévorent’ est la traduction littérale d’un idiome d’ordinaire traduit par ‘la loi de la jungle’ ou d’autres expressions semblables. La traduction littérale étant plus en lien avec le reste du chapitre, j’ai décidé de la garder.
– Au Japon, il faut aussi bien légalement que moralement considéré comme mal de ne pas attendre 20 ans avant de boire.
– ‘Geh-heh-heh. Je vais me servir.’ est à l’origine une ligne cliché qui n’est cependant pas prononcé dans le scénario l’accompagnant en temps normal, celui-ci étant lorsque, dans un drame historique japonais, un vieil homme se sert de son autorité pour prendre avantage d’une femme, ce qui est souvent l’occasion pour le héros de faire une entrée dramatique.
– ‘King Crimson’ est une référence à Jojo’s Bizarre Adventure. Elle utilise probablement alors son Œil Démoniaque de Stase, aussi visible dans le chapitre 226.