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Midsummer Murder Chapitre 5.1

Fleur suspendue ↟ Vers le haut

Chapitre 05.1 ⋄ Fleur suspendue ↟

Vers le haut

Elle avait assez pleuré.

Sans aucun doute, c’était le cas.

Dans l’usine, le grondement de la pluie s’était estompé en un murmure lointain. Les vêtements trempés de Liu An’an lui collaient à la peau, glacials et lourds. Devant elle, sa sœur aînée se tenait immobile, silhouette fantomatique dans l’ombre vacillante des néons défectueux.

Liu An’an ramena ses genoux contre elle, ses doigts s’enfonçant dans la chair fragile de ses chevilles meurtries. Ses jambes portaient les traces de trop de coups, de trop de souffrances. Après chaque correction, quand elle se recroquevillait sur elle-même, elles se rejoignaient toujours, cherchant désespérément un peu de chaleur dans l’étreinte maladroite de ses bras.

Combien de fois lui avait-elle dit « Je t’aime » ? Liu An’an avait perdu le compte. Mais ce qu’elle savait, c’était qu’au fil des dix dernières années, elle avait effacé ces mots de sa mémoire. Et lorsqu’ils revenaient, comme des spectres du passé, ils ne lui inspiraient plus que du dégoût.

La bouche reflétée dans le miroir, ces lèvres si familières, avaient osé murmurer des mots d’amour à la fille de l’homme qui avait assassiné son père. Pourtant, la haine, cette haine dévorante, n’avait jamais entièrement pris racine. Liu An’an était bien trop jeune lorsqu’elle avait perdu son père, bien trop jeune pour tout comprendre. Il ne lui restait que des fragments épars d’un passé brisé : des blessures béantes, des éclats écarlates, et ce bourdonnement incessant des mouches, attirées par une bouteille bleue abandonnée.

Ces souvenirs, mêlés de douleur et d’oubli, lui inspiraient un malaise sourd. Elle n’était plus sûre de savoir où se logeait la vérité, ou même si elle voulait la trouver. L’amour, après tout, était une drogue cruelle. Il grandissait dans la douleur, s’épanouissait dans la tourmente, et laissait derrière lui une gueule de bois émotionnelle insupportable.

Alors elle avait choisi d’enterrer tout cela. De jeter ces morceaux de passé dans une fosse oubliée. Elle ne pensait pas avoir tort.

Mais l’averse était trop froide, trop brutale. Et Liu An’an était épuisée. Elle était fatiguée de pleurer, fatiguée de se battre contre ces fantômes du passé.

Elle préférait mille fois être vile, rusée, détestable. Tout plutôt que cette petite fille blessée, recroquevillée dans un coin, qui attendait désespérément que sa sœur instable lui offre un réconfort illusoire.

Alors elle cessa de pleurer. Ses yeux, vides de larmes, se levèrent pour rencontrer ceux de sa sœur. Son regard était froid, coupant comme la lame d’un rasoir.

Elle ne pleurait plus.

Et elle regardait sa sœur avec une dureté glaciale, comme si toutes les années de souffrance s’étaient figées en un mur infranchissable entre elles.

Elle attendait une réponse.

L’angle des marques de strangulation était-il vers le haut ou vers le bas ?

Liu An’an donna la seule réponse possible : « Vers le haut. »

Puis elle ajouta, le ton implacable : « C’est toi qui l’as tuée. »

La femme inspira brusquement, étouffant un sanglot, avant de laisser échapper un rire amer, empli de haine. « Tu crois que je vais te croire ? »

Les larmes de Liu An’an s’étaient taries, et avec elles disparut le masque doux et flatteur qu’elle portait si habilement. Il ne restait plus rien pour cacher ce qu’elle était vraiment : une malice froide et psychotique, une ténacité cruelle, sans la moindre once de scrupule.

Son visage, délicat et pâle, se durcit. Ses yeux, autrefois humides, brillaient maintenant d’un éclat glacial et autoritaire. Elle n’était plus cette petite fille recroquevillée dans un coin, cherchant désespérément la chaleur de sa sœur.

Son regard était condescendant, méprisant, chargé d’une vulgarité tranchante. Tout semblant d’éducation supérieure avait disparu, remplacé par une dureté brute, une lame prête à frapper.

« Tu ne crois qu’à ton imagination. Tu es pathétique ! » cracha-t-elle, chaque mot une flèche empoisonnée.

« L’angle était vers le haut. C’est toi qui l’as étranglée à mort. Tu crois que j’ai peur de toi ? Que je vais m’excuser ? Tu veux que je te dorlote, encore une fois ? Eh bien, laisse-moi te dire une chose : vous le méritez tous les deux ! »

Sa voix se brisa, mais pas d’émotion—de rage contenue, brûlante et acerbe.

« Ton père a poignardé le mien à mort ! Et ta mère, cette femme, m’a battue toute mon enfance ! Tu crois qu’on était dans le même bateau ? Que nos souffrances se rejoignaient ? Ta mère ne t’a-t-elle pas laissé cette maison, finalement ? Moi, je n’ai rien eu ! Rien ! Tu sais ce que c’est, de grandir dans la maison de ton ennemi juré ? Tu veux me plaindre ? Garde ta pitié ! Je n’en ai jamais eu besoin ! »

Sa voix se fit plus acérée, presque un cri.

« Tu crois que je ne sais pas pourquoi ta mère m’a recueillie ? Ce n’était pas par bonté, oh non. C’était pour acheter ces foutus talismans, ces cendres mélangées à de l’eau pour soigner ta folie ! Si tu n’avais pas existé, si ta famille n’avait pas existé, je n’aurais jamais vécu comme ça ! »

Elle s’avança d’un pas, son visage tordu par un mélange de colère et de triomphe amer.

« Et tu veux que je me sente coupable ? Que je m’excuse d’avoir survécu ? Non ! Je vais te le dire une bonne fois pour toutes : c’est toi qui l’as tuée. Pas moi. Toi. Tu le mérites. Vous le méritez tous. »

La femme poussa un grognement bestial, perdant tout contrôle. Elle se jeta sur Liu An’an, la frappant, tentant de la rouer de coups. Mais Liu An’an esquiva agilement, glissant hors de portée. D’un bond, elle s’élança sous la pluie battante, ses pieds éclaboussant la boue.

Derrière elle, la femme hurlait, folle de rage, ses cris résonnant comme une cloche fissurée dans l’orage.
« Xiao Liu ! Xiao Liu ! Xiao Liu ! »

Liu An’an courait de toutes ses forces, mais ses jambes fatiguées cédèrent. Elle trébucha et s’effondra dans la boue, son corps éclaboussé de terre humide. Elle tenta de se relever, mais il était trop tard : la femme l’avait rattrapée.

D’un bond, elle lui sauta dessus, immobilisant ses cuisses et son abdomen sous ses genoux. Liu An’an cria, ses mains agrippant le T-shirt sale et trempé de la femme, cherchant désespérément une issue. Mais alors qu’elle levait les yeux, un frisson glacial parcourut son cou.

Une scie métallique, froide et tranchante, pressée contre sa gorge.

Liu An’an hurla instinctivement, la voix brisée par un sanglot : « Jiejie ! »

Le mot résonna, suspendu dans l’air lourd de pluie et de colère. La femme s’immobilisa un instant, décontenancée. Sa poigne, si forte l’instant d’avant, faiblit légèrement.

L’amour était comme une religion.

Plus il grandissait dans la douleur, plus il hypnotisait. Mais chaque transe portait en elle le germe d’un réveil brutal, une souffrance d’autant plus insupportable.

Dans ce moment de vide, alors que leurs regards se croisaient, le visage durci de la femme s’effaça, remplacé par des souvenirs. Le joli visage jeune et doux d’autrefois surgit dans sa mémoire. Jamais il n’avait été aussi clair, aussi douloureusement net.

Liu An’an pensa, dans une fulgurance : Le moment où elle perd tout… C’est peut-être là qu’elle m’aime le plus.

Une seconde suffit.

D’un geste vif, Liu An’an repoussa la femme, qui s’écroula sur le côté.

Dix ans auparavant, ses mains tremblantes avaient poussé une scie ensanglantée dans les mains de sa sœur en délire. Dix ans plus tard, dans le même cercle de violence et de haine, elle arrachait cet instrument métallique de ses doigts.

La boucle était bouclée.

C’ets le 28 mai, à midi, sous une pluie torrentielle que Liu An’an s’agenouilla sur sa sœur, ignorant ses cris et ses insultes : « Salope ! Menteuse ! »

Elle n’avait plus besoin de répondre.

Cette ville morne, cette boue, ce métal et ce sang avaient formé ce qu’elle était devenue : une plante grimpante, tordue mais obstinée, toujours destinée à s’élever, à survivre.

Le cercle de dix ans, une boucle nouée par le métal, la haine et les tempêtes, se refermait enfin.

Et, comme il y a dix ans, elle resserra le nœud coulant de la haine.

Elle se débattait frénétiquement, mais Liu An’an ne lâchait pas prise.

La tempête, la tempête, la tempête !

Leurs corps s’agitaient dans une lutte désespérée, mais les mouvements de la femme faiblissaient peu à peu. Ses mains se firent plus molles, et un étrange sifflement s’échappait de sa gorge. Liu An’an, penchée tout près, entendait clairement sa voix.

Elle murmurait entre deux râles : « Xiao Liu… Tu as dit que tu voulais apprendre la médecine… Pour me soigner. Tu m’as même menti à ce sujet… Tu m’as menti… »

Liu An’an resserra sa prise.

Les sifflements s’interrompirent brusquement, coupés net. La femme convulsa une dernière fois, puis son corps se raidit.

La boucle fut bouclée.

L’orage grondait toujours, indifférent, et le ciel continuait de résonner des hurlements de la tempête. Mais autour de Liu An’an, tout était silencieux.

Assise dans la boue, immobile, elle semblait seule dans l’univers, comme figée hors du temps.

Dans ce calme absurde, des souvenirs anciens lui revinrent. Elle revit le jour où cette femme inconnue l’avait recueillie. Une voix lointaine avait dit : « J’ai une fille… Son esprit n’est pas clair. »

Lorsqu’elle était entrée dans cette vieille maison, Liu An’an avait découvert cette fille étrange. Elle se tenait debout sous une lumière terne, son regard absent, et son corps nu. Elle n’avait rien dit, mais un très léger sourire flottait sur ses lèvres. Son visage était d’une beauté étrange, presque irréelle, et sa peau si blanche qu’elle semblait briller.

Ce souvenir traversa la tempête comme un éclair, illuminant le contraste cruel de l’instant présent.

Dans les mains de Liu An’an, autrefois si jeunes et pleines d’espoir, pendait désormais un corps sans vie. Le cadavre était laid, sec et mince, semblable à une fleur fanée, suspendue dans l’air et brisée par le poids des années et de la haine.

 

L’auteur a quelque chose à dire :

Ceci est la première fin.
・.ʚ FIN ɞ .・

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